La rhétorique est à la fois la science et l’art de l’action du discours sur les esprits. Elle est née dans la Grèce du Vème siècle avec notre ère, avec la démocratie et pour la démocratie. Le mot provient du latin rhetorica. Plus précisément, selon : « telle qu’elle a été élaborée par la culture de la Grèce antique, la rhétorique peut être considérée comme une théorie de la parole efficace liée à une pratique oratoire ». Ayant d’abord concerné la communication orale, elle est d’abord l’art de l’éloquence.
En plus d’aider à développer sa pensée et à construire son discours, la rhétorique contribue à une meilleure compréhension du monde. « Elle permet de déterminer la valeur des arguments d’un discours, qu’il soit politique, judiciaire ou publicitaire », dit le jeune rhéteur et doctorant en sémiologie à l’UQAM, Alexandre Motulsky-Falardeau.
Le dissoï logoï
1. Introduction
L’exercice consiste à argumenter avec autant d’éloquence que possible sur un sujet donné dans un sens puis d’argumenter dans la direction opposée. C’est avant tout un exercice au fondement de la démocratie et le tout premier exercice de rhétorique. Avant la Grèce du Vème siècle, le monde avant la démocratie, c’est un monde où les décisions importantes (sur le juste ou l’utile) était déterminé par des institutions magico-religieuses. Dorénavant, toute question concernant le bien, l’utile et le juste, serait tranchée par un vote à la majorité. Et c’est dans ce contexte que sont apparus les premiers professeurs de rhétorique, les sophistes.

Cicéron (106 av. J.-C-43 av. J.-C) est est un homme d’État romain, un avocat et un écrivain latin. Le style et les principes mis en lumière par Cicéron ont constitué les fondements, avec Aristote et Quintilien surtout, de l’art rhétorique en Europe. Il s’agit selon Roland Barthes d’une véritable tradition qu’il nomme « cicéronienne » et qui influença notamment la démocratie américaine et le droit germano-romain.
« La réthorique correspond pour l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps. »
Platon, Gorgias
2. Quels sont les intérêts de l’exercice ?
Tout d’abord un intérêt didactique, c’est-à-dire un exercice qui demande de faire quelque chose d’artificiel. Cela dispose à prendre une distance suffisante vis-à-vis du langage pour l’aborder avec une vue de l’extérieur. Ensuite, il a aussi un intérêt cognitif car il permet d’exercer la flexibilité de nos points de vue et de construire un esprit critique. Il a, enfin, un intérêt rhétorique car il permet par exemple d’anticiper ce qu’un contradicteur peut avoir à l’esprit ce qui est utile pour pouvoir le réfuter plus facilement. Voici une méthode en 3 étapes dont Victor Ferry est l’auteur, il en parle dans son livre : FERRY, V. 12 leçons de rhétorique pour prendre le pouvoir, Paris, Eyrolles, 2020.
3. Les trois étapes de l’exercice
A/ Invention
Au cours de cette première étape, vous devez trouver la ligne argumentative que vous allez suivre pour chacune des positions. Exemple sur le sujet de l’adultère : L’adultère est une trahison / L’adultère est une aventure

B/ Amplification
Une fois votre ligne argumentative prête, il faut placer la barre plus haut que cela. En effet, le dissoi logoi n’est pas un simple exercice où il faut regarder, timidement, les différents points de vue sur une question. Il s’agit de défendre ces deux positions corps et âme, avec autant d’éloquence que possible.
C/ Preuve
Afin de donner les moyens de votre politique, il faut apporter une preuve de chacune de vos affirmations. Une fois fait, prononcez votre discours à l’oral et avec conviction. L’exercice est réussi si vous parvenez à vous surprendre : vous allez si loin dans une position que son opposé vous semble et semble au public indéfendable et, pourtant, vous y parvenez. C’est la gymnastique des grands orateurs. Le discours ne doit pas être très long, il doit être court et impactant.
Mehmet Ciftci