Le traitement judiciaire des violences conjugales par Jérôme Pauzat ( Magistrat – Coordinateur régional de formation Grand Est )

Le traitement judiciaire des violences conjugales doit répondre à la problématique d’individualisation, à savoir une mesure adaptée au profil de l’auteur de ces violences.

1. Pourriez-vous définir les violences conjugales ? et comment se matérialisent-t-elles ?

Les violences conjugales se définissent comme l’ensemble des actes violents susceptibles d’être commis au sein du couple. Elles sont protéiformes et peuvent donc toucher différentes sphères de la vie du couple :

*Violences physiques : qui peuvent se matérialiser par des bousculades, des coups, des strangulations, des crachats… Les violences peuvent être réalisées à mains nues par l’auteur ou à l’aide d’objets. Dans les cas les plus graves, les violences peuvent entraîner le décès de l’un des membres du couple et constituent ainsi un homicide conjugal. 

*Violences psychologiques : elles sont constituées par un ensemble d’attitudes ou de propos qui ont vocation à rabaisser, blesser, dévaloriser l’autre personne (insultes, rabaissements, dévalorisation). Le fait d’isoler la victime de ses relations sociales (famille/ amis/ environnement professionnel) est également une forme de violence psychologique. 

*Violences sexuelles : elles consistent à imposer un acte sexuel (avec ou sans pénétration) à son partenaire. 

*Violences économiques : elles consistent à priver l’autre membre du couple de ses revenus et de l’empêcher d’avoir une autonomie financière. 

Les violences conjugales se réalisent le plus souvent sur un mode cyclique : une phase de tension est suivie par la phase de violence à proprement parlée, puis d’une phase appelée Lune de miel au cours de laquelle l’auteur des violences tente de se faire « pardonner » (la culpabilité ressentie par l’auteur peut être sincère et authentique au cours de cette phase). 

Les violences conjugales ne doivent pas être confondues avec les violences faites aux femmes et il ne faut pas oublier que même si elles sont minoritaires, les hommes peuvent être victimes de violences de la part de leurs compagnes. 

2. Comment se défendre contre les violences conjugales ?

Hormis les dispositifs existants, la lutte contre les violences conjugales doit impérativement passer par l’éducation tant des auteurs que des victimes. En effet, les victimes doivent impérativement être sensibilisées aux mécanismes de la violence conjugale et sur leur « mode d’installation » afin de s’extirper d’une situation violente avant que l’emprise ne s’installe.

3. Les dispositifs existants sont-ils suffisamment efficaces pour lutter contre les violences conjugales ou, selon vous, de nouvelles mesures devraient-elles être prises ? Le cas échéant, quelles sont-elles ?

Il existe de nombreux dispositifs actuellement pour lutter contre les violences conjugales qu’il s’agisse de sanctions pénales (sursis probatoire, téléphone grave danger, bracelet anti rapprochement, incarcération, stages de responsabilisation…) ou de dispositifs civils (ordonnance de protection), qui sont de bons outils au service de la lutte contre les violences conjugales.

Ces outils ne sont cependant pas suffisants pour lutter efficacement contre les violences conjugales. Comme indiqué précédemment, il faut impérativement développer l’information au sujet des violences conjugales et il faut également assurer une prise en charge globale des auteurs pour qu’ils puissent être éloignés du domicile conjugal, pris en charge sur un plan social et psychologique. Il faut également imaginer de nouvelles prises en charge pour le couple, soit lorsqu’ils ont des enfants ensemble et qu’ils seront nécessairement amenés à entrer à nouveau en relation l’un avec l’autre, soit lorsqu’ils souhaitent reprendre une vie commune. 

4. L’accompagnement des victimes de violences conjugales est-il suffisant ?

Le caractère suffisant ou non de cet accompagnement dépend du territoire concerné et des associations qui interviennent sur ce territoire. L’accompagnement dépend encore trop de la situation géographique et des initiatives locales, bien que la lutte contre les violences conjugales soit aujourd’hui devenue une priorité gouvernementale.

Là encore, il faut développer la formation de l’ensemble des professions susceptibles d’être confrontées aux violences conjugales: police, justice mais aussi médecine… et notamment permettre la levée du secret médical lorsque des violences sont constatées par des professionnels de santé. Cet axe peut aussi être envisagé comme une mesure susceptible d’être utilisée pour lutter plus efficacement contre les violences conjugales.

Jérôme PAUZAT (Coordinateur régional de formation Grand Est)

Publié par Juristes D'avenir

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