Les solutions pour lutter efficacement contre le cyber harcèlement selon Maître Steve OUTMEZGUINE, avocat en droit du numérique

Titulaire d’un master 2 à Paris 1 Sorbonne en droit du numérique et diplômé du Barreau de PARIS en 2018, Maître Steve OUTMEZGUINE, chargé de Cours magistraux et d’enseignement au sein de différentes universités françaises, est l’avocat fondateur du Cabinet Avomedias.

De par son métier, tourné vers le droit des données personnelles et le droit du numérique, Maître OUTMEZGUINE approfondis ce thème du cyber harcèlement. Il évoque la Loi de Confiance en l’économie numérique qui, selon lui, n’encourage pas les plateformes à lutter de manière effective contre le cyberharcèlement. Il énonce également diverses solutions contre le cyber harcèlement, notamment avec la Plateforme Pharos ou l’algorithme Bodyguard, qui filtre en temps réel les contenus de tous les réseaux sociaux.

  1. Une présentation de votre parcours et de votre métier

Je suis issu d’un parcours classique de master 1 en droit des affaires à l’UPEC (ex PARIS 12) puis d’un master 2 à Paris 1 Sorbonne en droit du numérique et en parallèle diplômé du Barreau de PARIS en 2018.

Mon métier est varié mais se cantonne uniquement au droit de l’immatériel, comme vous pouvez l’observer sur mon site https://ntic-conseils.com/

  1. Pourriez-vous définir le cyberharcèlement ? et comment se matérialise-t-il ?

Le ministère de l’éducation définit le harcèlement comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».

En effet le cyberharcèlement est un phénomène qui touche malheureusement beaucoup plus les jeunes adolescents.

C’est un phénomène qui est accentué avec l’accroissement des nouvelles technologies et outils idoines tels que les téléphones portables et réseaux sociaux qui ne laissent aucun répit à la victime, harcelée même chez elle et plus seulement à l’école.

Le cyberharcèlement peut prendre différentes formes, comme des insultes, des propagations de rumeurs, des menaces, des moqueries, des humiliations ou même la publication sur les réseaux sociaux d’images ou vidéos dégradantes.

  1. Comment se défendre contre le cyberharcèlement ?

Un des premiers réflexes à avoir est de contacter le 3018 par téléphone ou via l’application 3018 qui est une superbe application de l’association E-Enfance.

Si vous ou votre enfant est victime de cyberharcèlement, la meilleure solution est de se déconnecter de ses comptes sur les réseaux sociaux, surtout ne pas répondre aux harceleurs, et garder la preuve de chaque fait répréhensible.

Vous pouvez signaler les contenus dégradants directement auprès des plateformes ou du fournisseur d’accès internet.

Il est surtout très important de ne pas garder cette situation pour soi, même si c’est très difficile d’en parler. Il faut trouver des personnes de confiance (amis, parents, proches, responsables éducatifs) qui pourront aider les victimes, alerter l’école ou les parents et ainsi faire cesser cette situation de cyberharcèlement.

En cas de harcèlement scolaire, vous pouvez contacter un numéro complémentaire du 3018 qui est le 3020.

Ensuite la famille pourra décider de porter plainte si nécessaire.

En parallèle, l’alternative à un avocat pour diligenter une procédure judiciaire reste également une possibilité.

  1. Quel(s) texte(s) permet(ttent) de lutter contre le cyberharcèlement ?

C’est en particulier une loi du 4 août 2014 (n°2014-873) qui a réglementé le harcèlement.

Cette loi a été retranscrite aux articles 222-33-2 à 222-33-2-3 du Code pénal. Ces articles posent à la fois les sanctions pénales et pécuniaires dues à la victime en cas de harcèlement, qu’il soit perpétré en physique ou de manière virtuelle.

Le dernier article 222-33-2-3 est spécifique au harcèlement scolaire, il prévoit :

– une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45000€ d’amende lorsque le harcèlement a causé une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours ;

– une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75000€ d’amende s’il a causé une incapacité de travail de plus de 8 jours :

– une peine de 10 ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende lorsque la victime s’est suicidée ou a tenté de se suicider.

  1. Que pensez-vous de l’application 3018 pour aider les victimes de cyberharcèlement ?

L’application est de qualité, elle est simple d’utilisation et pédagogue.

On vous propose au début de répondre à un rapide quiz « suis-je harcelée ? » pour faciliter la prise de conscience des personnes qui la téléchargent.

Elle permet d’engager une conversation très rapidement avec un professionnel.

Elle permet également de stocker les preuves du harcèlement subi dans un « coffre sécurisé » qui n’est accessible qu’avec un mot de passe ou une empreinte digitale.

Enfin, elle prodigue aussi de bons conseils pour se protéger sur les réseaux sociaux et autres plateformes que ce soit sur le cyberharcèlement, sur le revenge porn, sur le chantage à la webcam, sur la violation des données personnelles ou sur l’usurpation d’identité.

Dans une rubrique « actualités », la plateforme recense toutes les petites astuces utiles autant pour les parents que pour les jeunes pour protéger ses informations personnelles sur les réseaux sociaux.

  1. Faut-il davantage responsabiliser les plateformes et les hébergeurs pour lutter contre le cyberharcèlement ?

C’est évident qu’il faut davantage responsabiliser les plateformes au même titre que les hébergeurs pour lutter plus efficacement contre le cyberharcèlement.

Depuis quelques années, l’Union européenne et la France ont pris des mesures pour responsabiliser davantage les hébergeurs de plateforme cependant en la matière, le principe est celui de l’absence de responsabilité.

En effet, la Loi de Confiance en l’économie numérique disposait que les hébergeurs ne pouvaient voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou informations stockées sur sa plateforme.

Ce principe n’encourage certainement pas les plateformes à lutter effectivement contre le cyberharcèlement néanmoins, elles doivent agir promptement dès qu’elles ont connaissance du fait illicite pour le rendre inaccessible au public.

Ce qui veut dire quand même que si vous signalez un contenu sur une plateforme, celle-ci doit, si le caractère illicite du contenu est vérifié, le retirer dans les plus brefs délais.

Pour les responsabiliser davantage, il faudrait peut-être penser à revenir sur l’absence d’obligation de surveillance générale des plateformes et justement les obliger à surveiller en permanence les contenus partagés.

  1. Les dispositifs existants sont-ils suffisamment efficaces pour lutter contre le cyberharcèlement ? À défaut, que faudrait-il renforcer ?

Il existe de nombreux dispositifs efficaces pour lutter contre le cyberharcèlement, on a cité la plateforme et le numéro 3018, il y a également la plateforme Pharos qui établit un lien direct avec les services de police.

Une autre solution très efficace a été développée, Bodyguard, c’est un algorithme qui filtre en temps réel sur tous les réseaux sociaux les contenus. Il mettra automatiquement de côté tous les messages ou contenus à caractère raciste, injurieux, les messages haineux ou les moqueries ainsi que les menaces.

Cet outil est très utile pour lutter contre le cyberharcèlement, à condition de l’installer sur son téléphone et celui de ses enfants particulièrement.

Ce qu’il manque sûrement malgré les efforts de sensibilisation du gouvernement, c’est justement la sensibilisation dès le plus jeune âge des enfants dans les écoles en particulier et à la maison également.

Il faudrait créer des ateliers dans toutes les écoles pour sensibiliser les enfants et adolescents sur le cyberharcèlement et ses conséquences.

Enfin, la question de l’anonymat sur Internet reste primordiale, en effet aujourd’hui nous sommes bloqués dans diverses procédures pour cause de non-dévoilement d’identités ou d’adresse IP masquées ou basées à l’étranger qui nous empêche de poursuivre les auteurs de cyberharcèlement.

Maître Steve OUTMEZGUINE

Publié par Juristes D'avenir

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