Chef d’établissement du centre de détention de Châteaudun, Maxime Michel évoque les défis du milieu carcéral.

Par un arrêt du 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme avait condamné la France pour les conditions inhumaines et dégradantes de ses établissements pénitentiaires ainsi que le non-respect du droit à un recours effectif pour faire cesser ces atteintes. Cette condamnation de la France reflète les problèmes qu’il existe en France au niveau du milieu carcéral, liés notamment à la surpopulation carcérale qui engendre un grand nombre de problématiques. Des solutions effectives et efficaces sont recherchées mais peinent encore à être trouvées et mises en place.

En tant que chef d’établissement d’un centre de détention, Maxime Michel nous parle ici des défis du milieu carcéral et des problématiques liées à surpopulation carcérale et la réinsertion des détenus. Ces deux problématiques sont indéniablement liées dans la mesure où, comme il le rappellera dans son témoignage, il est évident que « la surpopulation carcérale ne permet pas aux personnes détenues une prise en charge efficace ».

1.     Une présentation de votre parcours et de votre métier

Je suis Maxime MICHEL. J’ai débuté ma carrière en 2003 en qualité de surveillant pénitentiaire. J’ai intégré l’administration pénitentiaire par hasard en voyant une publicité et parce que je voulais être fonctionnaire pour la sécurité de l’emploi.

J’ai exercé en premier lieu à la maison d’arrêt d’Aix-Luynes où j’ai découvert le métier de surveillant et les missions et contraintes de l’administration pénitentiaire. J’ai muté en 2009 pour la maison centrale d’Arles où je me suis adapté à la prise en charge de publics condamnées à de longues peines.

En 2013, j’ai obtenu le concours de premier surveillant car j’avais une envie d’évolution hiérarchique. Affecté au centre pénitentiaire d’Aix-Luynes, j’ai ainsi pu découvrir le management et m’y épanouir.

Toujours avide de prise de responsabilités, en 2014, j’ai obtenu le concours de lieutenant pénitentiaire. J’ai été affecté au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier en qualité de responsable des activités/travail/formation professionnelle à destination des personnes détenues. J’ai découvert la nécessité de mettre en place des actions de réinsertion à destination du public accueilli, aux fins de préparation à la sortie et avec l’objectif essentiel de prévention de la récidive.

Avec toujours une envie de prise de responsabilités, j’ai obtenu le concours de Directeur des Services Pénitentiaires en 2017. J’ai été affecté en qualité d’adjoint au chef d’établissement au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand.

En 2022, j’ai été nommé Chef d’établissement du centre de détention de Châteaudun. Mes tâches sont complexes, diverses et variées. Il s’agit dans un premier temps de manager les personnels placés sous mon autorité, ce qui représente une partie importante. Ensuite, je m’impose un devoir de représentation auprès des partenaires et institutions. Enfin, il s’agit de prendre en charge les personnes détenues qui nous sont confiées par l’autorité judiciaire. Nous tâchons de faire en sorte que les conditions de détention soient le plus humaines possibles en lien avec les impératifs sécuritaires.

2.     Quelles sont les difficultés que vous rencontrez le plus dans le cadre de votre métier ?

Les difficultés auxquelles je dois faire face dans mon quotidien ne sont pas forcément en relation avec le taux d’incarcération car j’exerce en centre de détention. Les difficultés sont surtout liées à la prise en charge de publics sur de courtes périodes qui ne permet pas de mettre en œuvre des projets avec les personnes détenues. Une autre difficulté est l’impossibilité de fournir des activités à l’ensemble des personnes détenues (activités sportives, travail, enseignement, formation professionnelle).

Une autre difficulté est le manque de personnel qui impacte la prise en charge des personnes détenues.

3.     Quelles sont selon vous les causes majeures de la surpopulation carcérale ? Quels sont les principaux problèmes liés à cette surpopulation ?

La cause principale de la surpopulation carcérale est selon moi la difficulté à trouver les moyens adéquats pour réguler cette question. Cependant, on sait qu’il n’est pas impossible de trouver des solutions. Nous avions pu voir lors de la première vague du COVID que des issues avaient pu être trouvé et pour la première fois, le taux d’occupation s’était retrouvé à 100%, en procédant à des libérations pour des personnes détenues avec un profil compatible.

Le fait de ne pas automatiser certaines libérations laisse la responsabilité aux juridictions qui ne se saisissent pas forcément des modalités offertes. Par ailleurs, la complexité et les couches réglementaires successives ne favorisent pas la facilité pour mettre en œuvre une politique efficace des aménagements de peine.

4.     Quelles sont les solutions que l’on pourrait trouver pour remédier à ce problème ?

Les solutions devraient être d’ordre juridique, avec une simplification de la règlementation relative à l’application des peines. Une autre solution portée par certains professionnels pourrait être la mise en place d’un numérus clausus dans les établissements pénitentiaires.

Une réflexion devrait être également menée sur les taux d’incarcération localement et non au niveau national (par exemple le département du Gard n’est pas suffisamment doté de places en détention).

5.     Que pouvez-vous nous dire sur l’état actuel des centres de détention et les conditions de détention ?

En ce qui concerne les établissements pénitentiaires, les situations sont disparates. En effet, les établissements pour peine ont une situation plus confortable avec numérus clausus et donc une absence de surpopulation et ce sont en règle générale des établissements plus récents.

En ce qui concerne les maisons d’arrêt, la situation apparaît pour certains établissements comme catastrophique avec des taux de surpopulation de plus de 200%. En outre, ce sont les plus vieux établissements qui deviennent vétustes et qui ne permettent pas de prendre en charge les personnes détenues dans des conditions de dignité satisfaisantes.

6.     Les personnes détenues rencontrent souvent des difficultés lors de la réinsertion : quelles sont selon vous les principales causes de ces difficultés ?

La surpopulation carcérale ne permet pas aux personnes détenues une prise en charge efficace. Par ailleurs, les personnes suivies à l’extérieur par le Service pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) ne peuvent pas bénéficier d’un suivi accentué lorsque les conseillers pénitentiaires de probation et d’insertion (CPIP) ont plus de 100 dossiers à gérer.

7.     Quelles actions estimez-vous qu’il serait utile de mettre en place afin de favoriser une meilleure réinsertion des détenus ? Quelles actions qui existent déjà sont selon vous les plus utiles ? Estimez-vous disposer d’assez de moyens financiers pour mettre en place ces actions ?

Une action nécessaire serait l’augmentation du nombre de CPIP. Ensuite, il serait essentiel de développer les partenariats nationaux de prise en charge des personnes détenues dans le cadre d’aménagements de peines, comme par exemple les chantiers d’insertion. Il serait aussi important d’agir face au manque de places dans les quartiers de semi-liberté et à l’emplacement non adapté de ces structures.

Il conviendrait également d’accentuer les activités présentes au sein des établissements (le travail, l’école, la formation professionnelle), afin d’offrir des qualifications aux personnes détenues. Il s’agit de moyens humains et de partenariats à mettre en œuvre.

8. Il y a-t-il un point que vous n’avez pas eu l’occasion d’aborder à travers les questions mais que vous estimez central à aborder s’agissant de l’une et/ou l’autre de ces problématiques ?

Une des difficultés de l’administration pénitentiaire est la méconnaissance de la société sur ses missions, sur la réalité de la prise en charge des personnes détenues avec une vision très américanisée et en complet décalage avec les réalités françaises.

Propos recueillis par Lisa-Marie Rodriguez

Publié par Juristes D'avenir

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