La confiance, un élément nécessaire à notre démocratie selon la magistrate Valérie-Odile DERVIEUX

La magistrate Valérie-Odile DERVIEUX expose les trois principales causes de la crise de la justice : un service public sous budgété, un brouhaha normatif incessant et enfin un discours politique dénigrant. Elle présente également l’importance de la confiance pour le bon fonctionnement de notre démocratie et les solutions pour la restaurer.

1. Une présentation de votre parcours 

Magistrate depuis 1990, j’ai eu la chance de pouvoir exercer presque toutes les fonctions de juge du siège et du parquet à différents niveaux de hiérarchie :

Juge aux affaires familiales, juge de l’application des peines, juge civile (généraliste, saisies immobilières) juge des enfants, juge d’instruction, juge d’instance, présidente de correctionnelle (presse, financier, comparution immédiate, stupéfiants, proxénétisme etc..), avocate générale aux assises…

J’ai également eu l’honneur de me voir confier des missions transversales : secrétaire générale adjointe du procureur de la République de Paris, responsable de l’informatique pénale parquet/siège du TGI de Paris, référente laïcité.

J’ai aussi eu l’opportunité d’assurer, dans le cadre de détachement, les fonctions de chef de bureau à l’AP-HP et de chef de cabinet à la chancellerie.

Je suis, depuis un peu plus de 2 ans maintenant, présidente de chambre d’instruction à la cour d’appel de Paris, spécialisée en droit de la presse, santé publique, environnement et accident collectif.

J’exerce également des responsabilités syndicales.

Ce parcours, qui est aussi un parcours de vie, me permet d’avoir une vision transversale du métier de magistrat qui me passionne.

Cette passion, cette expérience, je suis toujours heureuse de la partager avec mes étudiants (Paris 1, ENM, Paris Nanterre) et dans mes publications.

2. Quelles sont les causes selon vous de la crise de la Justice ?

Un service public sous budgété

Le service public de la justice se voit doter, année après année, d’un budget insuffisant.

La France reste d’ailleurs, à cet égard, à la traine des  pays démocratiques en terme de moyens humains et techniques et de conditions de détention (cf. chiffres de la CEPEJ )

Un brouhaha normatif incessant,

Des lois, des décrets, des circulaires, des notes, des jurisprudences chaque jour…

C’est trop ! (cf. : 2021, année record de l’inflation normative 

Cela donne l’impression, qui est sans doute vraie en partie, que plus personne ne contrôle rien.

Et enfin un discours politique dénigrant qui vise spécifiquement les juges judiciaires comme si, aujourd’hui encore, appliquer les règles de droit aux puissants comme aux « misérables », relevait nécessairement d’une démarche partiale inadmissible.

Ces éléments, bien connus de tous, créent et alimentent un sentiment d’insécurité et mais aussi un climat de suspicion envers les juges, la justice et les institutions en général.

3. En quoi la confiance est-elle un élément important pour le bon fonctionnement de la Justice ?

La confiance n’est pas « un élément important pour le bon fonctionnement de la Justice » mais un élément nécessaire pour le bon fonctionnement de notre démocratie.

La confiance est le fondement de notre contrat social.

L’invoquer ou l’utiliser dans le titre de loi n’est pas suffisant : la confiance ne se décrète pas, elle se gagne !

4. Comment restaurer la confiance en la Justice ?

En accordant au service public de la justice les moyens dont il a besoin.

En pensant « système » comme l’a indiqué le président MACRON dans son discours introductif aux Etats Généraux de la justice  et en initiant, pour le coup, les réformes qui s’imposent : statut du parquet, démocratie interne au sein de l’Institution judiciaire , rôle du Conseil Supérieur de la Magistrature, gestion RH professionnalisée de la magistrature.

En respectant les professionnels de la justice qui incarnent le pouvoir judiciaire dont on doit se rappeler qu’il relève du régalien.

En refondant le droit et le service public de la justice.

5. L’augmentation du personnel judiciaire sera-t-elle une réponse suffisante ?

C’est nécessaire, pas suffisant.

Votre action, comme juristes de demain et citoyens, sera déterminante !

Valérie-Odile DERVIEUX.

Publié par Juristes D'avenir

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