La mobilité est une chose de plus en plus encouragée au cours des études et les études de droit ne sont pas en reste. Outre les mobilités à travers les années Erasmus, il existe des formations juridiques qui intègrent directement la mobilité comme élément central de leur organisation.
C’est l’objectif au sein de la European School of Law (ESL) de l’Université Toulouse Capitole. L’ESL intègre la mobilité comme élément essentiel des formations juridiques qu’elle propose. Ses diplômes accessibles en post-bac se déclinent en doubles diplômes et “licences bilingues” organisés avec des universités partenaires dans différents pays. Elle propose également des Masters en langue anglaise et gère par ailleurs les mobilités en Master 2. Elle intègre la mobilité comme élément de formation et propose une formation à deux systèmes juridiques pour développer la capacité à comparer et à articuler le droit. L’objectif est également de favoriser, encourager et développer le plurilinguisme afin de maintenir le lien entre le droit et la culture nationale. Pour finir, l’ESL associe à la dimension juridique européenne, une dimension culturelle européenne.
Flavie Sanson et moi-même (Lisa-Marie Rodriguez) allons vous parler de notre expérience en mobilité, respectivement au Royaume-Uni et en Espagne au sein des doubles diplômes franco-anglais et franco-espagnol proposés par l’ESL.


1. Présentation du parcours
Flavie : J’ai eu mon bac avant que la réforme sur les filières intervienne. J’avais donc choisi la filière scientifique mais j’étais également dans un lycée international si bien que j’ai eu des cours de littérature anglaise et d’histoire intensifs. Je tournais à 39 heures de cours par semaine.
Depuis le début de mon adolescence, j’avais toujours voulu faire du droit, mais après avoir fait de l’anglais aussi intensément au lycée, je n’étais pas prête à sacrifier cette partie de mon enseignement. C’est pourquoi quand j’ai découvert le double diplôme de droit franco-anglais (partenariat entre UT1 et l’université de Bangor au Pays de Galles), j’ai directement candidaté via Parcoursup.
Lisa-Marie : J’ai également eu mon bac en filière scientifique avant la réforme. Cependant à partir de la terminale je me suis rendu compte que je n’avais pas envie de continuer dans le domaine des sciences. J’ai alors dû réfléchir à ce que je voulais faire. J’ai toujours eu une appétence pour les langues et notamment l’espagnol, c’est d’ailleurs pour ça que j’avais choisi une classe bilingue espagnol au collège puis l’option DNL espagnol au lycée.
En y réfléchissant, je savais que je voulais faire quelque chose qui me permettrait de continuer dans le domaine des langues, mais sans pour autant faire une filière purement linguistique type licence de langues étrangères appliquées (LEA). Je réfléchissais également déjà beaucoup à faire une partie de mes études en Espagne parce que je savais que ça serait la meilleure façon pour moi de réellement m’améliorer en espagnol et découvrir le pays. C’est à ce moment qu’en recherchant les diverses opportunités s’offrant à moi, j’ai vu l’existence de ce double diplôme.
Après avoir longtemps hésité, notamment car cela impliquait quitter mon île natale (La Réunion) beaucoup plus tôt que ce que je m’étais imaginé (à 17 ans), j’ai choisi de m’inscrire au double diplôme en droit franco-espagnol proposée par l’ESL.
2. En quoi a consisté exactement la formation que vous avez réalisée (principe, durée et organisation) ? Quels diplômes avez-vous obtenus suite à cela ?
Flavie : J’ai fait une formation en droit français et droit anglais qui m’a permis d’obtenir trois diplômes différents : une licence de droit française, une licence de droit britannique (LLB) et un master 1 de droit européen parcours droit des libertés. C’était une formation de 4 ans qui m’a conduit à passer mes deux premières années d’études supérieures à Toulouse puis les deux années suivantes au Pays de Galles. Je sais néanmoins que la formation a changé depuis puisqu’elle ne s’effectue plus qu’en 3 ans (2 ans à Toulouse puis un an à Bangor).
Lisa-Marie : J’ai fait une formation similaire mais en droit français et droit espagnol. Cela m’a permis en 4 ans, d’obtenir une licence de droit française mention double diplôme franco-espagnol, un « grado en derecho » (l’équivalent espagnol d’un Master 1 français) et un Master 1 droit européen parcours droit des Libertés. J’ai réalisé les deux premières années à Toulouse puis les deux années suivantes à Valence en Espagne. Le double diplôme propose également une mobilité à Barcelone.
3. Quels sont selon vous les avantages à faire un double diplôme en droit français-droit étranger et qu’est-ce que cela vous a apporté (scolairement, au niveau des opportunités …) ? Les inconvénients ?
Flavie : Si l’on est intéressé par le droit international et européen, je pense qu’avoir l’opportunité de faire un double diplôme est une réelle chance pour développer ses connaissances en droit comparé. En effet, étudier les rouages d’un ordre juridique et juridictionnel différent est un véritable atout, notamment pour améliorer notre réflexion.
À l’inverse, je dirais également qu’en étant constamment stimulé par des systèmes juridiques différents, il est parfois possible de s’y perdre ou de manquer de technicité si on ne fait pas attention.
Lisa-Marie : Je suis complètement d’accord avec Flavie concernant les avantages. Je rajouterai que ça permet d’accroître notre capacité d’adaptation et notre capacité à comprendre le droit à travers la comparaison de divers systèmes juridique. Ce type de double diplôme nous aide également à ouvrir notre esprit et à essayer d’analyser ce qui est positif ou négatif dans les divers systèmes. C’est vraiment quelque chose de très enrichissant. De plus, ces formations ouvrent la possibilité de faire des stages à l’étranger ou même de continuer ses études dans un autre pays. Concernant l’Espagne par exemple, étant donné que l’on obtient le même diplôme que les étudiants ayant réalisé l’ensemble de leur « grado » en Espagne, cela nous ouvre la possibilité de pouvoir faire le « Master en Abogacia » dans une Université d’Espagne et d’ainsi devenir avocat sans avoir à passer par le CRFPA (un article parlant de cette possibilité devrait d’ailleurs sortir très prochainement sur le blog). Un autre avantage concernant ce double diplôme était celui d’être assuré d’avoir un Master (à l’ESL il s’agissait du MADIC, master en droit international et comparé). Étant donné que le double diplôme confère un niveau Master 1, avec la sélection se réalisant désormais en première année de master, l’université est « obligée » de nous « réserver » des places dans au moins un master car si l’on veut pouvoir finir notre formation, il nous est impossible de changer d’université entre la L3 et le M1.
Ce dernier point fait surement partie des principaux défauts que j’ai trouvé à cette formation car, en effet, si l’on souhaite terminer la formation double diplômante, il nous est impossible de choisir une autre université pour réaliser son Master 1. L’autre inconvénient est donc le fait de ne pas pouvoir choisir le Master que l’on souhaite, premièrement par rapport au fait qu’il faille absolument que le master soit à Toulouse mais également car il faut pouvoir valider les diplômes dans les deux pays avec les exigences correspondants aux formations des deux pays. En double diplôme franco-espagnol on pouvait choisir des masters en mention droit social, droit des affaires ou droit international et européen. Personnellement je trouve également que cela ne nous amène pas forcément à réfléchir à ce que l’on préfère dans la mesure où le parcours est tracé et les matières à TD sont imposées lors des deux premières années en France. En mobilité également, en tout cas c’était le cas en Espagne, on ne peut pas choisir nos matières comme cela peut être le cas pour une Erasmus, le but étant que le parcours corresponde au maximum aux exigences et prérequis des deux universités partenaires. Le fait d’arriver en Master 2 en ayant réalisé que deux années en France peut aussi être un peu perturbant au départ. Néanmoins, si j’ai trouvé que cela représente certes une petite difficulté, elle n’est pas insurmontable, même s’il y a des matières que l’on peut ne jamais avoir fait pendant notre parcours universitaire (la procédure civile ou administrative par exemple). Cependant je me suis rendu compte a posteriori qu’il y avait largement des façons de se remettre rapidement à niveau sur ces points là si besoin.
4. Qu’est-ce que vous a apporté votre mobilité sur le plan humain et personnel ?
Flavie : Ma mobilité était un peu particulière parce que la première année s’est déroulée à la rentrée 2020, soit juste après le premier confinement. Nous étions donc au Royaume-Uni, nous pouvions participer à la majorité des « clubs et sociétés » britanniques mais tous nos cours étaient en ligne. La situation s’est même durcie à partir de janvier 2021 puisque le Pays de Galles avait mis en place un nouveau confinement très strict (seuls les supermarchés étaient ouverts pendant 3 mois).
Néanmoins, la situation a totalement changé lors de la deuxième année où j’ai pu vivre la véritable expérience universitaire britannique : les clubs de sport, les sociétés, les soirées au pub … Cela m’a permis de découvrir une autre culture et d’autres mœurs parce que même si nous sommes voisins, les Britanniques sont bien différents de nous !
Lisa-Marie : Ma mobilité a également été un peu particulière en raison du COVID. Cependant je n’ai pas eu de soucis ni pour partir ni une fois arrivée. Malgré les différentes mesures sanitaires encore en place, il y avait tellement de choses à faire et voir, le cadre de vie restait incroyable et il y avait toujours moyen de découvrir plein de choses, les marchés, les différents jardins de la ville, les places typiques, et surtout, Valence étant une ville côtière, il y avait la plage et le port, mes endroits préférés ! La deuxième année avec la situation sanitaire qui s’était bien apaisée on a pu découvrir un autre aspect de la ville avec son côté plus festif, l’organisation des fallas (fête typique valencienne) etc. Je suis vraiment heureuse que cette mobilité ait duré deux ans, ça a rendu l’expérience selon moi encore plus bénéfique.
Sur le plan personnel cette expérience m’a fait énormément grandir et m’a permis d’accroître encore plus ma capacité d’adaptation. Il a fallu s’adapter à un nouveau mode de vie, un nouveau cadre et une nouvelle organisation universitaire, une nouvelle langue, une nouvelle culture etc. J’ai personnellement trouvé ça vraiment incroyable.
Il est clair que cette expérience m’a changé et m’a fait murir et évoluer d’une manière qui n’aurait pas été possible si j’avais réalisé l’entièreté de mon cursus universitaire en France. Ces années ont vraiment été très enrichissantes et m’ont permis de sortir de ma zone de confort sous différents points de vue.
5. Pourquoi avez-vous préféré suivre une formation comme celle-ci plutôt que de faire une année en Erasmus ? Avec du recul, est-ce que si c’était à refaire vous referiez le même choix ?
Flavie : Je pense que j’aurais fait une année d’Erasmus si je n’avais pas intégré ce double diplôme mais à vrai dire je n’ai jamais vraiment eu à me poser la question. Je ne peux pas comparer avec Erasmus mais si c’était à refaire, je le referai mille fois (malgré le Covid).
Lisa-Marie : Personnellement j’ai choisi de faire ce double diplôme car je savais que ça allait obligatoirement mener à une mobilité dans mon cursus, il n’y avait pas de doute. En revanche, faire une année Erasmus, on ne le planifie pas dès la L1 donc il y a toujours la possibilité que ça n’aboutisse pas ou que ça finisse par ne pas se faire pour quelque raison que ce soit. Or, la mobilité pendant mon cursus universitaire était réellement quelque chose qui me tenait à cœur. Je sais que je referais 1000 fois le même choix si c’était à refaire car cela m’a permis de vivre une expérience extrêmement enrichissante et que je n’oublierai clairement jamais. Je pense d’ailleurs très fortement retourner à Valence à un moment car je suis vraiment tombée “amoureuse” de cette ville. De plus, je trouve qu’une mobilité de deux ans permet de réellement s’imprégner de la culture du pays et de s’améliorer d’un point de vue linguistique, là où une année Erasmus dure généralement au maximum un an. Finalement, je dirais tout simplement que ce type de formation correspondait mieux à ce que je recherchais et m’a donc apporté plus que ce qu’aurait pu m’apporter une année Erasmus.
6. De manière globale, conseilleriez-vous les doubles diplômes aux étudiants ?
Flavie : Oui totalement. Si vous ne craignez pas une charge de travail supérieure à la moyenne des étudiants en droit, foncez ! On travaille plus mais ça ne nous empêche pas de profiter de la vie étudiante. Je sortais toutes les semaines lors de mes deux premières années de licence et je les ai validé avec de très bons résultats. Tout est une question d’organisation.
Lisa-Marie : Je suis complètement d’accord, la charge de travail et les exigences sont certes importantes, mais ce n’est clairement pas inaccessible, sans avoir besoin de sacrifier sa vie sociale ou ses activités extrascolaire, même s’il peut évidemment y avoir certaines concessions à faire par moment. Personnellement, ayant toujours été très sportive, en première et deuxième année de licence je tournais encore à 6 ou 7 entrainements de sport par semaine et cela ne m’a pas empêché de valider mes années avec de plutôt bons résultats, alors que je ne suis vraiment pas quelqu’un de particulièrement organisée.
7. Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui réfléchissent à réaliser une mobilité mais qui appréhendent ?
Flavie : L’inconnu fait peur mais vous grandirez tellement en expérimentant la mobilité. C’est une expérience qui apporte tellement sur le plan personnel. On sort de notre zone de confort mais on se rend très vite compte qu’on peut s’adapter à toutes les situations.
Lisa-Marie : Franchement n’hésitez pas ! Jusqu’ici ça a été la meilleure expérience de ma vie et je sais que je m’en souviendrais toujours. Personnellement cette expérience m’a fait murir et évoluer d’une façon que je n’aurais pas pu imaginer, tant sur le plan personnel qu’académique. Malgré quelques difficultés par moment, je n’en retire que du positif et des souvenirs inoubliables. Franchement foncez ! En plus, quoi de mieux pour apprendre ou s’améliorer dans une langue étrangère ? Si j’ai un dernier conseil ça serait de choisir une destination pour laquelle vous avez un attrait particulier, l’expérience n’en sera que plus exceptionnelle.
8. Y a-t-il un point que vous n’avez pas eu l’occasion d’aborder au travers des questions mais qui vous parait essentiel ?
Flavie : La question des formalités administratives pour partir. Je suis partie au Royaume-Uni juste avant qu’il ne quitte officiellement l’UE. J’ai donc simplement dû faire une demande de « pre-settled status », une procédure réservée à ceux qui étaient installés au Royaume-Uni avant sa sortie de l’UE. Néanmoins, maintenant il faut faire une demande de visa qui peut être longue à avoir et un peu couteuse. C’est à prendre en compte parce que ces frais s’ajoutent aux frais universitaires britanniques qui sont bien plus élevés que les frais français.
Lisa-Marie : Pour ce qui est de l’Espagne? je n’ai pas eu de formalité particulière à réaliser. Techniquement on était supposé faire une demande de N.I.E (numéro d’identification des étrangers) au bout de 90 jours. Si cette démarche est normalement obligatoire, on est beaucoup à ne pas l’avoir fait et cela ne nous a pas porté préjudice. Malgré tout, il est quand même préférable de le faire, même si c’est une démarche assez fastidieuse et longue (on s’est quand même gentiment fait “taper sur les doigts” quand notre responsable de diplôme en Espagne s’est rendu compte qu’on ne l’avait pas fait au bout d’un an et demi). Autre point à ajouter, il est conseillé, notamment si on reste longtemps (au moins 1 an), d’ouvrir un compte espagnol, car cela facilite les choses pour certaines transactions (certains propriétaires l’exigent pour le paiement du loyer, commandes internet etc.). Il existe des banques telles que Santander qui proposent des cartes bancaires gratuites. De la même manière, il peut être utile de prendre un numéro espagnol car de nombreux endroits n’acceptent de prendre que des numéros espagnols (les établissement de santé par exemple ou encore certains services de livraison et sites internet).
Lisa-Marie Rodriguez