Influenceurs et propriété intellectuelle : Les défis juridiques décortiqués par une avocate spécialisée

Les influenceurs et leur impact croissant sur les réseaux sociaux suscitent de nombreuses questions et défis juridiques, notamment en ce qui concerne la propriété intellectuelle. Dans cet article, examinons le paysage complexe des influenceurs du point de vue d’une avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle.

Parlez nous un peu de vous !

Je suis Maya Lahlouh, avocate spécialisée en droit des affaires et en propriété intellectuelle. J’ai obtenu mon master en droit international des affaires à l’université Jean Moulin Lyon 3 en 2009, puis j’ai intégré l’école des avocats. En 2015, j’ai fondé mon propre cabinet à Paris, où je me concentre principalement sur le droit des affaires et la propriété intellectuelle. Je conseille et représente mes clients dans la protection de leurs droits de propriété intellectuelle, notamment en matière de marques, brevets, droits d’auteur et secrets commerciaux. Mon objectif est d’assister mes clients et de les aider à faire respecter leurs droits dans ce domaine complexe.

1. Qu’est ce que un influenceur ?

La définition de l’influenceur a été précisée par la Cour de cassation et diffère de celle donnée par l’autorité de régulation professionnelle de la publicité. Selon la Cour de cassation, un influenceur est une personne active sur les réseaux sociaux, qui possède un statut, une position ou une exposition médiatique lui permettant d’influencer les habitudes de consommation à des fins marketing. La définition de la Cour de cassation comprend des critères spécifiques et objectifs tels que l’utilisation d’une communauté sur les réseaux sociaux, la promotion de produits ou services, ainsi que la mise en place d’une stratégie d’influence. Il est à noter que la contrepartie financière n’est pas nécessairement requise selon cette définition.

D’autre part, la loi sur la régulation des influenceurs propose sa propre définition. Selon cette loi, un influenceur est toute personne physique ou morale qui utilise sa notoriété pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à promouvoir directement ou indirectement des biens, des services ou des causes, en échange d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature dont la valeur dépasse les seuils fixés par décret. Contrairement à la définition de la Cour de cassation, cette définition ne mentionne plus spécifiquement les réseaux sociaux, mais met l’accent sur la nature électronique de la communication.

2. Comment définiriez vous le statut de l’ifluenceur ?

L’activité de l’influenceur peut être considérée comme la fourniture d’une prestation de services visant à promouvoir des produits ou des services en échange d’une rémunération. Le statut juridique de l’influenceur peut dépendre de la nature de cette prestation et des conditions dans lesquelles elle est fournie.

Dans certaines situations, l’influenceur peut être engagé en tant qu’employé, notamment lorsqu’il pose comme modèle pour une marque, même pour des missions ponctuelles. Dans ce cas, la rémunération de l’influenceur est assimilée à un salaire.

Dans la plupart des cas, l’influenceur a le statut d’entrepreneur, souvent sous la forme d’une auto-entreprise. Sa rémunération est alors considérée comme le résultat d’une prestation de service. Ce statut offre une grande flexibilité et permet à l’influenceur de préserver son indépendance.

Dans quelques cas, l’influenceur peut choisir le statut d’une société classique, comme une SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle). Ce statut est particulièrement intéressant pour les influenceurs qui génèrent des revenus importants.

3. Est-ce que la nouvelle loi va mieux encadrer le statut d’influenceur ?

La loi sur la régulation des influenceurs a pour objectif de mettre en place un cadre réglementaire pour encadrer le métier d’influenceur, en particulier en ce qui concerne le contenu publié sur les réseaux sociaux. Jusqu’à présent, nous nous sommes appuyés sur les dispositions générales du droit pour réguler au mieux cette activité, mais cela risquait de négliger certaines spécificités. Grâce à cette loi, nous disposons désormais d’un cadre législatif qui tient compte des particularités de l’influence et de la création de contenu sur les réseaux sociaux.

À ce stade, le statut des influenceurs sera réellement amélioré et ils seront également responsabilisés. En effet, cette loi renforce l’obligation pour les influenceurs d’informer leur communauté en cas d’opérations promotionnelles et interdit certaines formes de promotion (comme la chirurgie esthétique, par exemple). La réglementation de l’activité d’agent d’influenceur contribue également à renforcer la sécurité du travail avec les influenceurs.

Dans l’ensemble, cette loi apporte des réponses attendues concernant le métier d’influenceur, mais elle ne résout pas tous les risques qui en découlent. Il est fort probable que d’autres lois suivront pour faire face à ces défis.

4. Quels sont les risques encourus par les influenceurs qui ne respectent pas leurs obligations ?

L’influenceur est soumis à plusieurs obligations dans le cadre de son activité, à la fois envers la marque partenaire et envers sa communauté.

En ce qui concerne la marque partenaire, les obligations de l’influenceur sont généralement contractuelles. Il s’engage à respecter un certain nombre et type de publications. En cas de non-respect de ses engagements, il s’expose à des poursuites pour violation contractuelle, similaires à celles auxquelles un salarié ou un prestataire de services pourrait faire face. Les sanctions peuvent inclure la résiliation du contrat, le paiement de dommages-intérêts et/ou l’exécution forcée des obligations contractuelles.

Envers sa communauté, l’influenceur a également des obligations à remplir. Cela comprend l’obligation d’informer sa communauté lorsqu’une publication est le résultat d’un partenariat commercial, ainsi que l’obligation de divulguer l’utilisation de filtres ou de retouches, tels que Photoshop, sur ses publications.

Depuis l’adoption de la loi régulant l’activité des influenceurs, le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions pénales, avec des amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 euros et une interdiction d’exercer l’activité d’influenceur.

5. Quelles sont les solutions trouvées pour mieux protéger chacune des parties au contrat ?

Dans le droit français, il existe divers outils pour réglementer les relations entre les influenceurs et leurs partenaires. Le droit des contrats permet de définir les obligations de chaque partie, les conditions d’exécution et la contrepartie attendue. La réglementation des professionnels de la publicité protège principalement la communauté de l’influenceur en imposant des règles d’information sur les contenus sponsorisés. La nouvelle loi régissant l’activité d’influence renforce l’obligation d’identifier les contenus sponsorisés et interdit la promotion de certains produits ou activités. Ainsi, il est important d’encadrer la relation avec une marque par écrit et de maintenir une transparence maximale avec sa communauté concernant le contenu publié.

6.Selon vous,comment les infleunceurs gèrent ils les problèmes de diffamation, de violation de la vie privée, de plagiat et de contrefaçon ?

L’influenceur est exposé aux mêmes risques que les personnalités médiatiques, tels que la violation de sa vie privée ou les risques de diffamation. Bien qu’il ne soit pas possible d’éliminer complètement ces risques, certains comportements peuvent contribuer à les prévenir. Il est conseillé aux influenceurs de prendre certaines précautions, comme éviter de divulguer des informations permettant d’identifier leur lieu de résidence et de publier des photos de leur domicile ou de leur quartier. Cela réduira notamment le risque que des membres de leur communauté puissent les retrouver ou divulguer des informations privées à leur sujet.

Comme pour toute personne médiatisée, il est impossible d’éviter complètement les risques de diffamation, mais il est possible de réagir de manière rapide et neutre. En cas de diffamation, la meilleure réponse est de recourir aux outils juridiques disponibles. Les influenceurs ne doivent pas hésiter à porter plainte contre ceux qui portent atteinte à leur image.

En ce qui concerne le plagiat et la contrefaçon, les influenceurs étant des créateurs de contenu, ils sont exposés à un risque de plagiat et de contrefaçon. Deux situations doivent être distinguées :

  • L’influenceur doit être très prudent dans la création de son contenu afin d’éviter tout risque de plagiat ou de contrefaçon. L’originalité est la clé, et l’influenceur doit effectuer un véritable travail de création.
  • L’influenceur peut limiter les risques de plagiat ou de contrefaçon en intégrant des éléments tels que des filigranes ou des marques de copyright dans ses publications. Si cela ne suffit pas, notamment pour les macro-influenceurs, il est important de contacter le contrefacteur et d’entamer les démarches juridiques nécessaires.

7. Quelles sont les Conditions de diffusion d’images de son enfant sur les réseaux sociaux ?

Selon la législation actuelle, si les deux parents détiennent l’autorité parentale, le consentement des deux parents est nécessaire pour diffuser l’image de leur enfant. Cette autorisation doit être obtenue par écrit, sans exception.

En ce qui concerne spécifiquement la diffusion sur les réseaux sociaux d’un enfant mineur de moins de 16 ans qui exerce une activité d’influenceur, il est impératif de demander une autorisation à l’inspection du travail avant de publier toute vidéo dont l’enfant est le sujet principal. Cette autorisation peut être assortie de recommandations relatives à des aspects tels que la rémunération et la durée de l’enregistrement.

Dans le cas d’une publication non rémunérée à caractère “familial”, il n’y a aucune interdiction légale, mais il est important de souligner les risques de surexposition d’un enfant sur les réseaux sociaux. Il est toujours nécessaire de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

En cas de non-respect de ces obligations, le contenu publié devra être retiré ou rendu inaccessible. Le législateur a également prévu une amende de 75 000 euros en cas de non-respect des obligations de déclaration et d’accès aux données relatives à un mineur.

8. Quels sont les futurs défis juridiques auxquels les influenceurs pourraient être confrontés ?

Nous sommes encore aux prémices de la réglementation de l’activité d’influence. Avec l’émergence de nouveaux réseaux sociaux et l’utilisation croissante de technologies telles que l’intelligence artificielle, il est indéniable que des ajustements législatifs seront nécessaires. Je pense notamment à l’utilisation de l’IA par certains pour créer du contenu en utilisant les visages de personnes ordinaires. Les questions relatives aux droits d’auteur et au droit à l’image vont devenir de plus en plus précises, ce qui aura des répercussions sur les influenceurs.

Publié par Juristes D'avenir

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