Decryptage juridique : Laura CANALI discute du rôle du droit dans la protection de l’environnement

1. Parlez nous un peu de vous !

Titulaire d’un doctorat en droit public et privé de l’Université de Droit d’Aix-Marseille, j’occupe actuellement un poste d’enseignante en droit public à l’Université de Nîmes. Après l’obtention de mon master en droit européen et international de l’environnement, j’ai eu l’opportunité d’effectuer divers stages en France et à l’étranger. En 2016, j’ai décroché le certificat d’aptitude à la profession d’avocat, marquant ainsi le début d’une thèse portant sur les procès climatiques en France, sous la direction de Mathilde Hautereau-Boutonnet et Eve Truilhé.

2. Quel est le rôle du droit vis-à-vis de la protection de l’environnement ?

Après plus de cinquante ans de développement, le droit de l’environnement, en raison de son caractère interdisciplinaire, joue un rôle central dans la société française en matière de protection environnementale. Malgré son absence de rattachement exclusif au droit public ou privé, il s’est imposé avec une multitude de normes touchant divers domaines tels que les transports, l’alimentation, la construction et la vente.

Les fonctions du droit environnemental se regroupent en trois catégories. Tout d’abord, il s’emploie à prévenir les comportements dommageables en encourageant de nouvelles habitudes. Ensuite, il régule les secteurs les plus polluants grâce à des interdictions et des réglementations sous l’égide d’une police administrative de l’environnement. Enfin, il permet de réparer les préjudices causés à l’homme ou à l’environnement en faisant appel à la responsabilité délictuelle et pénale, offrant ainsi réparation et cessation des actes illégaux.

3. Est-ce nouveau de vouloir protéger l’environnement à travers des normes juridiques ?

Bien que les populations aient toujours eu à cœur leur environnement, les historiens du droit font remonter la naissance et la structuration du droit de l’environnement aux années 1970. En France, la création du premier ministère de l’environnement en 1971 a joué un rôle crucial dans la mise en place du droit de l’environnement contemporain.

Depuis plus de cinquante ans, ce domaine juridique occupe une place grandissante dans les législations nationales, communautaires et internationales. Du préservation des sites naturels à la lutte contre la pollution de l’air et des sols, ainsi que la gestion des enjeux liés aux changements climatiques, il reflète la constante évolution de notre société. Devenu une branche complexe et diversifiée, le droit de l’environnement évolue en réponse aux attentes des citoyens, aux avancées scientifiques et aux engagements du secteur public et privé.

4. Quels liens y a-t-il entre droits fondamentaux et droit de l’environnement ?

Ces dernières années, une tendance croissante émerge où les droits fondamentaux sont utilisés pour aborder les enjeux environnementaux. Les liens entre droits fondamentaux et droit de l’environnement n’ont pas toujours été simples à établir, étant donné l’absence de références environnementales dans les grands textes internationaux, régionaux et constitutionnels.

Historiquement axés sur la protection de l’individu, les droits fondamentaux évoluent pour reconnaître que la dégradation de l’environnement peut avoir des répercussions sur des droits humains tels que le droit à la vie et à la santé. La première reconnaissance de ce lien remonte à la Déclaration de la Conférence de Stockholm en 1972, proclamant le droit à un environnement de qualité. En 2021, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a reconnu le droit à un environnement sain comme un droit humain.

En France, la Charte de l’environnement, intégrée en 2004, garantit le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Elle assure également l’accès à l’information environnementale et la participation du public dans les décisions ayant des impacts environnementaux. Ces reconnaissances s’accompagnent de débats sur la catégorisation de ce droit, relevant à la fois des droits de “solidarité”, des droits-libertés et des droits-créances.

La jurisprudence européenne reflète cette dualité, protégeant le droit à un environnement sain à travers des droits-libertés de première génération, tout en soulignant qu’il nécessite la réalisation d’obligations positives des États.

5. Comment reconnaître le lien de causalité entre carence étatique et les préjudices environnementaux ?

Établir un lien de causalité est complexe dans les litiges de responsabilité, surtout dans les affaires environnementales. Sans preuve de ce lien entre l’acte responsable et le préjudice, aucune réparation n’est possible, qu’il s’agisse de victimes humaines ou environnementales.

La présence d’obligations environnementales contraignantes permet d’engager la responsabilité de l’État en cas de non-respect. Si un manquement à ces obligations est démontré, l’État peut être tenu responsable pour son abstention ou retard à les exécuter.

Un récent jugement en 2023 a reconnu le préjudice écologique causé à la réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc et condamné la carence du préfet des Côtes-d’Armor pour les atteintes à la biodiversité. Cependant, pour établir le lien causal, le juge doit examiner minutieusement les éléments du litige. Dans les litiges environnementaux, la donnée scientifique joue un rôle clé, mettant en avant l’importance de l’expertise dans ces contentieux, qu’ils soient nationaux ou internationaux.

6. Comment contraindre un État à agir face au dérèglement climatique ?

Dans le cadre international, la contrainte des États à agir pour respecter les engagements envers l’environnement peut être obtenue par des leviers diplomatiques, juridictionnels et consultatifs. Des procédures consultatives sont en cours, éclaircissant les obligations des États pour lutter contre le changement climatique. Les avis consultatifs, bien que non contraignants, portent un poids juridique et moral important, façonnant le droit international du climat et influençant les comportements étatiques et les contentieux nationaux.

Sur le plan national, les tribunaux deviennent un moyen puissant pour contraindre les gouvernements à agir face au changement climatique. Les affaires climatiques contre le gouvernement français en sont des exemples. Le juge administratif a reconnu la responsabilité du gouvernement dans l’affaire du préjudice écologique en raison de ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, montrant l’importance des engagements internationaux et nationaux pour fonder une carence fautive.

Publié par Juristes D'avenir

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