À travers les Yeux du Vice- Président de l’instruction Joël Hennebois : Les Pistes d’Amélioration pour la Prise en Charge Légale des Troubles Mentaux

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A la suite d’une double maitrise en philosophie et en droit mention carrières juridiciaires et sciences criminelles à l’Université Nancy 2 en 2005, j’ai décidé de passer le concours de l’ENM. J’ai commencé comme juge d’instruction au Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France en 2008. Par la suite, j’ai occupé des postes de juge d’instruction à Troyes et à Lyon, tout en enseignant à l’École nationale de la Magistrature depuis mai 2018. J’ai également été consultant pour l’ONUDC, me spécialisant dans la lutte contre le blanchiment d’argent depuis novembre 2021. Actuellement, je suis Vice-président chargé de l’instruction à Lyon et à la Jirs criminalité organisée depuis 2022, continuant ainsi mon engagement envers la justice.

1. La santé mentale est un sujet qui prend de l’ampleur dans notre société, comment la prise en charge judiciaire du trouble mental a-t-elle évolué selon vous depuis ces dernières décennies? 

Dans le domaine du système judiciaire, la question de la santé mentale a toujours été prise en considération, en raison de la croyance erronée, mais ancienne, selon laquelle une personne saine d’esprit ne peut pas commettre un crime. C’est pourquoi l’expertise psychiatrique est désormais obligatoire dans tous les cas de dossiers criminels. Par conséquent, il fut un temps où l’on pensait que les individus dépourvus de discernement au moment des faits ne pouvaient pas être tenus responsables de leurs actions. En d’autres termes, si je n’avais pas conscience de mes actes au moment où je les ai perpétrés, comment pouvais-je être tenu pour responsable ?

Cependant, les réformes récentes ont établi que les victimes ont le droit à un procès, même lorsque l’accusé souffre de troubles mentaux altérant son discernement au moment des faits. C’est dans cette optique qu’a été mise en place la procédure de renvoi devant une chambre de l’instruction, qui est automatiquement enclenchée lorsque l’une des parties ou le ministère public en fait la demande. Néanmoins, subsiste une problématique non encore résolue par le législateur : comment procéder de manière valide à l’interrogatoire et à la mise en examen d’une personne incapable de répondre aux questions du juge d’instruction en raison de troubles mentaux ?

2. Quels sont les paramètres pris en considération pour décider si une personne souffrant de troubles mentaux doit être placée en hospitalisation ou suivre un traitement en détention ?

Les réponses à ces questions complexes ne peuvent être obtenues que par l’expertise d’un psychiatre qualifié. Cependant, il est pertinent de souligner que des dispositifs spécialisés, connus sous le nom d’Unités Hospitalières Spécialement Aménagées (UHSA), ont été établis pour prendre en charge les individus souffrant de troubles mentaux dans le contexte carcéral.

Ces UHSA ont pour mission de fournir des soins adaptés et spécifiques aux détenus confrontés à des problèmes de santé mentale. Elles collaborent étroitement avec des experts en psychiatrie pour évaluer si une hospitalisation est nécessaire ou si le traitement en détention est la meilleure option, tout en prenant en considération à la fois la sécurité publique et le bien-être des personnes concernées. En somme, elles jouent un rôle essentiel dans la gestion des troubles mentaux au sein du système pénitentiaire, en veillant à ce que les individus reçoivent les soins appropriés.

3. Quelles actions sont mises en place pour garantir la sécurité des individus souffrant de troubles mentaux au sein des institutions carcérales ?

Étant donné que ce sujet ne relève pas de mon domaine d’expertise directe, je ne peux pas fournir une réponse spécifique. Cependant, des mesures sont généralement prises pour assurer la sécurité des personnes atteintes de troubles mentaux en détention, notamment des évaluations médicales à l’entrée, un traitement adapté, un suivi psychiatrique, une formation du personnel, et des protocoles de prévention du suicide.

Ces mesures visent à protéger la sécurité et le bien-être des détenus atteints de troubles mentaux tout en garantissant le respect de leurs droits fondamentaux. Il est essentiel que le système pénitentiaire continue de développer et d’améliorer ces stratégies pour répondre aux besoins complexes de cette population spécifique.

4. Quelles sont les spécificités de l’irresponsabilité pénale due à des troubles mentaux par rapport à d’autres formes d’irresponsabilité pénale ?

L’irresponsabilité pénale due à un trouble mental est l’une des causes d’irresponsabilité pénale prévues par les articles 122-1 et suivants du code pénal. Ces articles énumèrent différentes raisons pouvant entraîner l’irresponsabilité pénale, dont notamment la contrainte ou la force à laquelle la personne n’a pu résister (122-2), l’erreur de droit (122-3), l’obéissance à un ordre émanant d’une autorité légitime (122-4), ainsi que la légitime défense, parmi d’autres.

L’irresponsabilité pénale due à des troubles mentaux se distingue des autres motifs d’irresponsabilité par le fait qu’elle dépend de l’altération de la faculté de discernement de l’individu au moment de l’infraction. Contrairement à d’autres raisons telles que la contrainte ou la légitime défense qui sont liées à des circonstances spécifiques, l’irresponsabilité pour troubles mentaux repose sur l’état mental de l’auteur de l’infraction.

5. Comment est traitée la réintégration sociale des personnes ayant des troubles mentaux après leur suivi judiciaire ?

Je ne suis pas compétent pour fournir une réponse spécifique à cette question. Cependant, en général, la réintégration sociale des personnes atteintes de troubles mentaux après leur prise en charge judiciaire peut varier en fonction du système juridique et des ressources disponibles. Elle implique généralement des programmes visant à favoriser l’autonomie, la stabilité mentale et l’intégration progressive dans la société, tels que le soutien communautaire, la formation professionnelle et le suivi post-judiciaire.

6. Comment se déroule la collaboration entre les professionnels de la santé mentale et le système judiciaire afin d’assurer une prise en charge efficace des individus souffrant de troubles mentaux ?

Cette question pose une complexité évidente. Les professionnels de la santé sont tenus au secret professionnel et ne peuvent divulguer des informations confidentielles à l’autorité judiciaire sans le consentement du patient, sauf dans des circonstances exceptionnelles. D’un autre côté, le juge d’instruction est généralement limité dans sa capacité à partager des détails de l’enquête avec des tiers. Néanmoins, le juge d’instruction doit prendre en compte l’état de santé de la personne mise en examen, particulièrement lorsqu’il s’agit d’imposer des mesures de contrainte telles que le contrôle judiciaire, l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), ou la détention provisoire. Ces mesures doivent être compatibles avec la nécessité d’assurer un suivi médical adéquat.

7. Comment pourrions-nous optimiser la prise en charge juridique des individus souffrant de troubles mentaux ?

Il est probable que nous puissions améliorer la prise en charge juridique des individus atteints de troubles mentaux en renforçant le recrutement d’experts psychiatres, ce qui permettrait d’obtenir des expertises plus rapidement. De plus, l’augmentation du nombre de places disponibles dans les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) serait également un moyen efficace d’améliorer la prise en charge de ces personnes.

Publié par Juristes D'avenir

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