Devenir avocat sans passer par le CRFPA : une opportunité offerte par la mobilité

L’examen d’accès au Centre Régional de Formation Professionnelle des Avocats (CRFPA) est la voie principale pour accéder à la profession d’avocat en France. Cependant, il est intéressant de savoir qu’en obtenant le titre d’avocat au sein d’un pays de l’Union européenne, il existe la possibilité de pouvoir faire homologuer son titre en France et ainsi devenir avocat en utilisant une autre voie que celle impliquant le passage par ce traditionnel examen d’entrée à une Ecole d’avocats française.

Grace à ses diverses mobilités, Monsieur Pierre-Jean Thil a su acquérir des connaissances transversales et des compétences grandement valorisables dans le monde du travail. Il est également parvenu à devenir avocat français et espagnol. Au travers de son témoignage, il nous évoque les différentes étapes de son parcours, enrichi de plusieurs mobilités, et nous indique notamment comment il est devenu avocat sans avoir eu à passer par le fameux “CRFPA”.

1. Une présentation de votre parcours et de vos activités professionnelles actuelles.

Depuis mon plus jeune âge, l’étude des langues et les mobilités offertes dans le secondaire ont constitué pour moi des activités enrichissantes qui ont motivé mon souhait de poursuivre des études universitaires orientées vers l’international. Ma découverte du droit a été fortuite, je me dirigeais en effet vers des études scientifiques après un Bac S. A la fin de mon année de première, lors d’une journée de découverte de l’Université Toulouse Capitole, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes travaillant au sein du Service d’Orientation Professionnelle qui ont su cerner mes centres d’intérêts et mes attentes. Elles m’ont alors proposé un nouveau diplôme qui venait d’être ouvert : le double diplôme en droit franco-espagnol se déroulant sur quatre années entre Toulouse et Barcelone.

Désireux de poursuivre cette formation, je me suis engagé dans ce double diplôme qui m’a permis de me spécialiser en droit international, européen et comparé. Après quatre années académiques enrichissantes, j’ai poursuivi mes études par un double Master 2 entre l’Université Autonome de Barcelone et l’Université de Toulouse Capitole avec pour objectif une spécialisation sur l’Espace de Liberté de Sécurité et de Justice. J’ai en parallèle effectué le diplôme de la European School of Law qui m’a permis de recevoir des enseignements approfondis en droit, histoire et économie européenne ainsi qu’en matière de méthodologie de gestion de projets à dimension européenne.

Passionné par la recherche juridique depuis ma deuxième année de droit, j’ai ensuite décidé de débuter un doctorat en droit privé européen sous le régime de la cotutelle internationale de thèse tout en préparant le barreau espagnol. Après l’obtention du Master en Abogacía et des barreaux français et espagnols, j’ai décidé de continuer ma spécialisation par un double diplôme en droit et affaires transatlantiques proposé par le Collège d’Europe à Bruges et la Fletcher School of Law and Diplomacy à Boston.

Enfin, dans le cadre de mon doctorat que je mène entre la France et l’Espagne au sein des deux mêmes universités dans lesquelles j’ai débuté mes études, je suis aujourd’hui chargé d’enseignement à l’Université Toulouse Capitole et engagé dans des projets ayant trait à la professionnalisation des études juridiques et à l’internationalisation de la recherche.

    2. Quel(s) type(s) de mobilité(s) avez-vous eu l’occasion de réaliser au cours de vos études (Erasmus, Double diplôme, licence bilingue, stages etc.)?

    Dans le cadre de mes études universitaires j’ai eu l’occasion d’étudier dans quatre pays grâce à des doubles diplômes qui ont été pour moi complémentaires les uns des autres. Après une immersion dans le système juridique espagnol, j’ai eu l’occasion d’étudier en Belgique et aux Etats-Unis, ce qui me donne aujourd’hui la possibilité d’appréhender le droit français mais aussi le droit européen sous un angle original me permettant d’en comprendre mieux sa spécificité.

    Je recommande toutefois les autres types de parcours car une immersion dans un système étranger constitue toujours une plus-value sur un CV. Cependant, l’exigence d’un double diplôme n’est pas forcément ce qui doit être recherché, un diplôme dans État étranger n’est pas nécessairement la voie la plus aisée afin de partir étudier à l’étranger. Il doit y avoir à mon avis une importante réflexion en amont sur l’utilité d’un tel programme d’études vis-à-vis de l’objectif professionnel visé par un étudiant.

    3. Qu’est ce vous ont apporté ces différentes mobilités (tant sur le plan personnel qu’au niveau des opportunités professionnelles ou universitaires) ?

    Les doubles diplômes ont été pour moi une source d’inspiration tant personnelle que professionnelle. Tout d’abord, d’un point de vue des connaissances juridiques, la possibilité de découvrir le fonctionnement d’un système juridique étranger constitue pour un juriste qui souhaite travailler dans les affaires internationales ou européennes une prérequis nécessaire. Au-delà des connaissances purement théoriques, l’apport méthodologique est conséquent car il oblige un juriste à comprendre les spécificités juridiques locales par la comparaison avec ses les standards de son système juridique national. Un double diplôme, bien plus qu’une simple expérience Erasmus qui permet d’en découvrir seulement les bases, pousse un étudiant à développer son agilité intellectuelle, son sens critique et sa capacité d’adaptation. Il s’agit de compétences qui sont des facteurs d’employabilité importants. De plus, dans certains pays, les étudiants en double diplôme peuvent également réaliser des stages en tant que matière à part entière d’un semestre universitaire, ce qui est à mon avis une opportunité intéressante car il n’est pas aisé d’effectuer des stages à l’étranger en raison des coûts financiers que cela implique.

    Par ailleurs, un double diplôme permet de découvrir des nouvelles cultures, de nouvelles traditions et d’améliorer bien entendu ses compétences linguistiques. La connaissance des us et coutumes locaux constitue selon moi un objectif central d’une mobilité car cela va permettre de pleinement s’intégrer dans la société et de se constituer un réseau de contact et ainsi de développer éventuellement une appétence pour un travail dans un environnement multiculturel et multilingue.

    Il faut toutefois être conscient qu’un double parcours voire une expérience de mobilité simple peut constituer un frein dans la poursuite de certaines études où une maîtrise technique du droit interne est exigée. Je pense notamment au master en droit notarial ou en droit privé fondamental. Il est aussi souvent reproché aux étudiants en mobilité de ne pas disposer de connaissances complètes des systèmes de droit étudiés ce qui est pour moi un faux sujet. En effet, un juriste qui a fait toutes ses études dans seul pays ne sera pas un « savant » dans toutes les branches du droit de sa discipline, il aura certes des connaissances plus étendues en droit français mais il ne disposera des mêmes compétences qu’un étudiant au profil international. Cette remarque est souvent faite lors des entretiens en master ou en stage, il faut donc s’y préparer en mettant en avant les compétences développées grâce à la mobilité.

    4. Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontré et comment avez-vous réussi à les surmonter?

    Lorsque l’on souhaite se lancer dans un parcours universitaire impliquant une mobilité il faut à mon avis être conscient des charges administratives qui vont peser sur nos épaules. Il faut d’abord avoir à l’esprit que chaque système universitaire dispose de ses propres règles et les compétences des services peuvent différer par rapport à ce que l’on a pu découvrir dans notre université d’origine. Il faut donc s’informer en amont pour trouver le bon interlocuteur en cas de problème.

    Je ne pense pas qu’il faille utiliser le terme de difficultés, en effet, les Universités par le biais des services des relations internationales où de la composante en charge des mobilités accompagnent les étudiants dans leur démarche et facilitent grandement l’accomplissement de formalités d’inscription et d’obtention des diplômes. Lorsque j’ai débuté, la European School of Law n’existait pas encore et les programmes de doubles diplômes étaient en cours de construction. J’ai donc dû faire face à certains problèmes lors de mon inscription sur place en Espagne, mais la bienveillance des équipes administratives aide grandement dans les démarches.

    Je souhaiterais ainsi donner quelques conseils :

    Tout d’abord, je pense qu’il est important de bien identifier les interlocuteurs en charge des programmes de mobilité afin de s’informer en amont.

    Ensuite, faut essayer de participer à toutes les réunions sur la mobilité qui sont proposées par notre université d’origine. Des informations essentielles y sont communiquées et notamment en matière d’obtention de financements. Il est souvent possible d’obtenir plusieurs types de financements : Bourse du Crous, Bourse de mobilité du Ministère, Bourse Erasmus+…. Mais il faut être attentif aux délais.

    Pour finir, les étudiants des années supérieures disposent souvent de conseils précieux, il ne faut pas hésiter à les contacter le plus tôt possible.

    5. J’ai pu voir qu’à la suite de votre double diplôme franco-espagnol vous avez obtenu le titre d’avocat en passant par un « Master en Abogacía », donc sans passer par le CRFPA et une école d’avocats française. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce Master, notamment sur sa durée et quelles sont les épreuves que vous avez dû passer pour le valider et leur difficulté ?

    Dans le système espagnol une réforme est intervenue il y a une quinzaine d’années afin de modifier la voie d’accès à la profession d’avocat. Il est maintenant nécessaire d’effectuer un master spécialisé qui vient préparer au passage de l’examen d’État. Ce master d’une durée d’un an et demi est construit en deux temps. D’une part, pendant une année, les universités sont dans l’obligation de faire réviser aux étudiant les bases du droit espagnol bien qu’il soit possible d’orienter les enseignements vers une spécialité (droit administratif, droit pénal, droit civil, droit des affaires…). Les matières ont normalement une forte dimension pratique grâce aux exercices qui sont proposés (introduction à la rédaction d’actes, de conclusions, de consultations…) et à l’intervention de professionnels. A l’issue de la première année, une période de stage de six mois est obligatoire afin de valider le diplôme.

    L’originalité du système espagnol est que l’examen d’État commence lors du premier jour du master. En effet, un système de contrôle continu a été mis en place afin de valoriser la formation préparatoire et de rendre directement employable les étudiants lors de l’obtention de leur titre d’avocat. La note finale de l’examen d’accès sera ainsi composée de la moyenne obtenue au master et de la note de l’Examen d’État. L’examen d’État à proprement dit est un QCM composé de deux parties. La première partie contient cinquante questions de déontologie et la deuxième est dédiée aux questions de spécialité (procédure pénale, civile, contentieux administratif…).

    J’ai personnellement choisi de passer le barreau en Espagne car le système me paraissait plus humain et professionnalisant. En effet, le master de préparation constitue en tout cas d’un point de vue formel, une réplique des écoles d’avocats à la française. Les avocats espagnols se forment avant de passer l’examen final, ils sont donc employables directement après l’obtention des résultats. Le CRFPA ne se focalise que sur des connaissances théoriques, au contraire du master qui vient également évaluer les compétences techniques d’un étudiant après lui avoir enseigné la manière de faire. La voie d’accès espagnole est aussi plus courte et moins chère que la française mais n’en reste pas moins compliquée. L’examen final bien que prenant la forme d’un QCM s’est grandement complexifié ces dernières années et a vu son programme de révision étoffé.

    6. Pouvez-vous nous expliquer quelle a été par la suite la procédure pour passer l’équivalence en France et pouvoir vous inscrire dans un barreau français ?

    Un avocat étranger disposant d’un titre dans un État membre de l’Union européenne et d’une formation universitaire en France peut engager une procédure d’équivalence de titre afin d’obtenir le CAPA. Il s’agit de la procédure de l’article 99 qui doit être initiée auprès du Conseil National des Barreaux qui dispose de la compétence pour analyser le bien fondé des demandes d’équivalence. La procédure administrative est assez lourde car il faut fournir de nombreux documents (diplômes, relevés de notes traduits par un traducteur assermenté auprès d’une Cour d’appel, justificatif d’identité…) et notamment un mémoire expliquant en quoi on dispose des connaissances suffisantes en droit français pour être admis à passer l’examen d’équivalence. Si un avis favorable est rendu par le CNB, l’avocat étranger doit s’inscrire dans l’une des deux écoles d’avocats habilitée à organiser les examens d’équivalence à savoir l’EFB à Paris et l’HEDAC à Versailles. En fonction des pièces du dossier, le CNB va déterminer les épreuves que le candidat doit passer. De manière générale, les avocats européens ne sont invités à passer qu’un examen de déontologie qui prend la forme d’une épreuve orale de vingt minutes comme celle organisée pour le CAPA. L’exigence est la même que pour étudiants français et les questions peuvent porter sur l’ensemble du droit de la déontologie français et des comparaisons peuvent aussi être demandées avec le système juridique d’origine du candidat. Il faut donc bien la préparer en amont car cette procédure est couteuse en termes de temps mais également financièrement, il faut compter environ 800 euros pour l’inscription, 300 euros pour la formation que propose souvent les deux écoles pour la déontologie et enfin environ 500 euros pour les frais de traduction.

    7. Il y a-t-il un point en relation avec cette thématique de la mobilité étudiante que vous n’avez pas eu l’occasion d’aborder à travers les questions mais que vous souhaiteriez évoquer ?

    Un point que l’on néglige souvent lorsque l’on souhaite s’engager dans des études ayant une composante internationale est que cela se prépare dès le lycée voire le collège. Il faut en effet porter une attention particulière à l’étude des langues et ne pas hésiter à s’engager dans des associations et projets qui proposent de réaliser des expériences à l’étranger, des simulations des institutions européennes ou des Nations-Unies. Cela constituera un atout important sur le CV et permettra de se distinguer lors des entretiens. La concurrence est rude afin d’obtenir une place dans un double diplôme.

    Propos recueillis par Lisa-Marie Rodriguez

    Mobilité étudiante internationale, l’exemple d’un échange au sein d’une université francophone

    Dans le cadre des mobilités étudiantes, outre le programme Erasmus, il est possible d’effectuer des mobilités hors union européenne, en se rendant dans des pays francophones ou non. Certaines facultés ont ainsi des partenariats avec des universités canadiennes. Partir dans une université francophone peut ainsi être l’opportunité pour des étudiants peu à l’aise avec les langues étrangères de tout de même faire l’expérience d’une mobilité à l’étranger. Par ailleurs, du fait des liens historiques entre certains pays francophones et le droit français, il peut s’agir d’une opportunité intéressante pour les étudiants souhaitant continuer à se spécialiser en droit français par la suite. 

    Tous comme les échanges Erasmus, ces mobilités font l’objet de subventions des universités, mais également de collectivités territoriales telles que les régions.

    Nous avons recueilli le témoignage de Lucie Michenet, étudiante ayant effectué sa licence 3 de droit à l’université francophone de Laval (Québec).

    1. Présentation du parcours

    Après un Baccalauréat économique et social (avant la réforme), j’ai effectué une Licence de droit à l’université de Tours, en parcours droit privé. 

    2. Quels sont les principaux apports que vous retirez de cette mobilité? 

    Sur le plan académique:

    L’un des principaux apports est la découverte d’une nouvelle méthode d’enseignement et de travail. Les cours et leur préparation ne sont pas du tout pareil qu’en France, de même que pour les partiels et les rendus. L’accent est particulièrement mis sur les lectures à effectuer par l’étudiant avant le cours, afin qu’il puisse s’approprier la connaissance. Il est également souvent demandé de reformuler ces lectures lors des cours, ce qui permet d’essayer de comprendre par soi-même, avant d’avoir davantage d’explications de la part des professeurs. Ce format est beaucoup plus interactif et stimulant que les cours magistraux français. Pour ce qui concerne les modalités d’examen, il est très souvent demandé de réaliser de courts travaux de recherche, ou bien des présentations orales. Il s’agit donc d’une autre manière de penser les partiels puisqu’il ne s’agit pas uniquement d’apprendre des connaissances, mais aussi d’approfondir par soi-même un sujet spécifique de la matière.

    Je trouve que c’est un très bon complément qui permet de découvrir une nouvelle manière de faire les choses qu’on n’aurait pas envisagée en France, ainsi que de se familiariser avec la rédaction et la recherche.

    Je trouve aussi, particulièrement au Québec, qu’il y a une grande différence concernant le rapport étudiants/professeur : il n’y a pas d’amphithéâtre, et les classes sont plus petites (souvent une vingtaine d’étudiants maximum). Cela rend le contact avec les professeurs beaucoup plus personnalisé. Ils sont tous très accessible, avec une bienveillance très marquée par rapport à la réussite des étudiants. 

    C’est aussi la découverte d’un nouveau droit, ce qui permet de prendre du recul sur nos connaissances antérieures en droit français. Cela offre une ouverture d’esprit et permet de développer l’esprit critique puisqu’il est très fréquent que les professeurs demandent de comparer les connaissances qu’ils enseignent avec le droit de notre pays d’origine.

    Sur le plan personnel:

    Il y a beaucoup d’apports sur le plan personnel, notamment par rapport à l’autonomie et l’indépendance. On est complètement hors de sa zone de confort, ce qui permet de faire beaucoup de travail sur soi. On gagne en maturité en devant s’adapter à de nouvelles façons de travailler, mais aussi à un nouvel environnement, et à des étudiants aux cultures très variées. C’est un peu comme si on se redécouvrait. 

    3. Quelles ont été les principales difficultés à surmonter ?

    Au niveau administratif, je n’ai pas rencontré de difficulté particulière. Les démarches sont longues et ça peut être stressant mais ça se fait plutôt bien malgré tout. 

    Concernant les démarches que j’ai du faire: pour aller au Québec pour une durée de plus de 6 mois, il faut demander le certificat d’acceptation du Québec et ensuite le permis d’études. Pour ces papiers il faut notamment faire les données biométriques à Paris, ce qui est assez contraignant. C’est une fois sur place qu’on peut récupérer le permis d’études. Personnellement c’est allé très vite, mais je connais des personnes qui ont du attendre pas mal de temps à l’aéroport par exemple. 

    Au niveau des cours et de la vie sur place, les difficultés concernent surtout l’adaptation. La vie sur place et la nouvelle méthode de travail. C’est avec le temps qu’on s’adapte, donc il ne faut pas s’inquiéter si les premières semaines sont compliquées. Suivre les conseils qu’on peut recevoir et même être entouré d’autres étudiants en échange permet de facilement surmonter ces difficultés. Il est rare de se retrouver tout seul avec une difficulté. D’autres seront touchés aussi donc s’entourer d’étudiants en échange est rassurant et permet de s’entraider pour trouver des solutions. 

    4. Quels sont les avantages d’effectuer une mobilité à l’étranger si l’on souhaite tout de même exercer en France par la suite ? 

    Cette expérience a été marquante et enrichissante avant tout sur le plan personnel.

    Au niveau professionnel, il est toujours possible de mettre en avant cette mobilité et la diversité des connaissances acquises. Généralement, les universités d’accueil proposent des cours en droit international et en droit européen, si bien que l’on n’apprend pas uniquement le droit du pays d’accueil. Ces connaissances sont donc utiles pour mieux comprendre le contexte dans lequel s’intègre le droit français. Ensuite, il sera toujours possible de rattraper ce qu’on aurait « loupé » en France. Mais comme je le disais avant, un des plus grand avantage est l’ouverture d’esprit et l’esprit critique qu’on peut développer, ce qui une grande qualité qu’on peut mettre en avant en exerçant en France. Je pense que la méthode de travail que l’on développe sera également toujours utile peu importe où l’on exerce par la suite, et qu’il s’agit de quelque chose de plus précieux que les connaissances “classiques” qu’on aurait acquises en restant en France.

    STUDCORP : La première plateforme globale simplifiant la mobilité étudiante !

    La mission de Studcorp est d’offrir un réel accompagnement aux étudiants, désireux de faire leurs études à l’étranger, confrontés à divers risques (imprévus financiers, accidents, maladies, charges administratives de préparation du séjour).

    Cette entreprise a crée une plateforme globale, simplifiant toutes les démarches à réaliser en quelques clics.

    Depuis l’origine, Studcorp est dédié à l’assurance pour la mobilité étudiante. Quelles ont été les motivations à sa création ?

    L’idée de créer Studcorp émerge en 2017. Simon Doursat assureur et Johan Lhuillier son associé réalisent, suite à une demande d’assurance, qu’aucune offre n’est adaptée à la cible étudiante. Après avoir sondé le marché, ils constatent qu’il existe un réel vivier d’étudiants français qui partent à l’étranger lors de leur parcours scolaire.

    Studcorp est né avec la volonté d’accompagner, avant et pendant leur voyage, tous les étudiants qu’ils réalisent une mobilité internationale ou qu’ils viennent en France pour étudier.

    Pouvez-vous nous décrire les principales prestations proposées aux étudiants ?

    Afin d’accompagner les étudiants en mobilité, nous proposons une offre d’assurance qui les couvre de leur départ à leur retour. Cette offre d’assurance est composée de prix compétitifs et de garanties adaptées, complètes et nécessaires aux besoins des étudiants en mobilité.

    Pour dresser une liste partielle des garanties proposées par Studcorp, nous retrouvons les frais médicaux et dentaires, le rapatriement, les bagages, la responsabilité civile vie privée à l’étranger et bien d’autres. Notre offre d’assurance garantit à l’étudiant un accompagnement. Malgré notre service 100% digital, l’humain est notre priorité. En effet, les souscripteurs se voient attribuer un interlocuteur dédié, joignable 7j/7 pour leur garantir un suivi de qualité en cas de besoin.

    Quels sont, selon vous, les principaux besoins ressentis par les étudiants engagés dans cette démarche ?

    La grande majorité des Français, et donc des étudiants, ne sont pas conscients du coût de la santé en France et dans le monde. Un étudiant engagé dans une mobilité internationale doit à tout prix prendre conscience de ce coût et de l’importance d’assurer sa santé et son voyage.

    Chez Studcorp, nous voulons avant tout empêcher que des étudiants en mobilité internationale soient victimes d’une mauvaise surprise. Sans cet accompagnement, les étudiants peuvent être confrontés à des situations qui pourraient bien gâcher leur séjour. Nous sommes là pour l’éviter !

    Les rapports annuels de Campus France démontrent qu’une majorité des étudiants n’a pas connaissance de l’existence d’un service dédié à l’accompagnement des projets de mobilité dans leur établissement. Quels seraient les moyens à mettre en oeuvre afin de pallier à ce manque d’information ?

    En effet, nous constations un réel manque d’information auprès des étudiants. Notre combat est de pallier à ce manque, nous nous y engageons. Pour ce faire, nous réalisons auprès d’établissements scolaires partenaires de nombreuses actions de sensibilisation. Le plus souvent, nous intervenons sous la forme de conférence ou de webinaire auprès des étudiants et du personnel de l’établissement.

    La sensibilisation passe également par nos actions de communication, que nous adaptons pour que tous les étudiants soient sujets à comprendre les enjeux qui peuvent se cacher derrière une mobilité internationale. Ces conférences et actions de communication nous permettent de transmettre aux étudiants les enjeux et les solutions que nous pouvons apporter en tant qu’assureur.

    Compte tenu des contraintes existantes (coûts financiers, niveau de langue insuffisant, séparation avec la famille…), comment maintenir l’attractivité de la mobilité auprès des étudiants ?

    Afin de maintenir l’attractivité auprès des étudiants, nous avons choisi de nous allier aux établissements d’enseignement supérieur. Notre offre santé-mobilité s’adresse aux étudiants et aux établissements. En effet, elle nous permet de proposer également des avantages aux établissements. La plateforme de Studcorp contribue à l’allégement des charges administratives des établissements et notre service d’accompagnement permet aux employés de l’établissement d’être en contact direct avec un interlocuteur unique pour répondre à toutes ces questions.

    En nous associant aux établissements d’enseignement supérieur, nous avons pu constater une réelle implication de leur part et un réel souhait d’accompagner les étudiants dans des mobilités internationales durant leur cursus.

    A l’avenir, est-ce que Studcorp a vocation à étendre son activité en proposant de nouveaux contrats assurantiels ?

    Studcorp, c’est l’entreprise spécialiste de l’assurance étudiante. Nous souhaitons donc continuer de nous développer pour accompagner toujours plus d’étudiants français et étrangers.

    Actuellement, nous proposons des offres d’assurances couvrant la santé-mobilité, l’habitation et le multimédia des étudiants.

    Dans un souhait d’extension de ces offres, nous souhaitons proposer prochainement une offre de MUTUELLE ETUDIANTE. Celle-ci permettrait à tous les étudiants d’avoir accès à un servir adapté à leurs besoins et surtout, accessible financièrement.

    Pour davantage d’informations, n’hésitez pas à les contacter !

    Site internet : https://studcorp.com/

    Tél. : 06 02 64 85 96

    E-mail : contact@studcorp.com ; aportier@studcorp.com

    La mobilité étudiante au cœur des formations de l’École Européenne de droit de l’Université Toulouse Capitole

    La mobilité est une chose de plus en plus encouragée au cours des études et les études de droit ne sont pas en reste. Outre les mobilités à travers les années Erasmus, il existe des formations juridiques qui intègrent directement la mobilité comme élément central de leur organisation.

    C’est l’objectif au sein de la European School of Law (ESL) de l’Université Toulouse Capitole. L’ESL intègre la mobilité comme élément essentiel des formations juridiques qu’elle propose. Ses diplômes accessibles en post-bac se déclinent en doubles diplômes et “licences bilingues” organisés avec des universités partenaires dans différents pays. Elle propose également des Masters en langue anglaise et gère par ailleurs les mobilités en Master 2. Elle intègre la mobilité comme élément de formation et propose une formation à deux systèmes juridiques pour développer la capacité à comparer et à articuler le droit. L’objectif est également de favoriser, encourager et développer le plurilinguisme afin de maintenir le lien entre le droit et la culture nationale. Pour finir, l’ESL associe à la dimension juridique européenne, une dimension culturelle européenne.

    Flavie Sanson et moi-même (Lisa-Marie Rodriguez) allons vous parler de notre expérience en mobilité, respectivement au Royaume-Uni et en Espagne au sein des doubles diplômes franco-anglais et franco-espagnol proposés par l’ESL.

    1. Présentation du parcours

    Flavie : J’ai eu mon bac avant que la réforme sur les filières intervienne. J’avais donc choisi la filière scientifique mais j’étais également dans un lycée international si bien que j’ai eu des cours de littérature anglaise et d’histoire intensifs. Je tournais à 39 heures de cours par semaine.

    Depuis le début de mon adolescence, j’avais toujours voulu faire du droit, mais après avoir fait de l’anglais aussi intensément au lycée, je n’étais pas prête à sacrifier cette partie de mon enseignement. C’est pourquoi quand j’ai découvert le double diplôme de droit franco-anglais (partenariat entre UT1 et l’université de Bangor au Pays de Galles), j’ai directement candidaté via Parcoursup.

    Lisa-Marie : J’ai également eu mon bac en filière scientifique avant la réforme. Cependant à partir de la terminale je me suis rendu compte que je n’avais pas envie de continuer dans le domaine des sciences. J’ai alors dû réfléchir à ce que je voulais faire. J’ai toujours eu une appétence pour les langues et notamment l’espagnol, c’est d’ailleurs pour ça que j’avais choisi une classe bilingue espagnol au collège puis l’option DNL espagnol au lycée.

    En y réfléchissant, je savais que je voulais faire quelque chose qui me permettrait de continuer dans le domaine des langues, mais sans pour autant faire une filière purement linguistique type licence de langues étrangères appliquées (LEA). Je réfléchissais également déjà beaucoup à faire une partie de mes études en Espagne parce que je savais que ça serait la meilleure façon pour moi de réellement m’améliorer en espagnol et découvrir le pays. C’est à ce moment qu’en recherchant les diverses opportunités s’offrant à moi, j’ai vu l’existence de ce double diplôme.

    Après avoir longtemps hésité, notamment car cela impliquait quitter mon île natale (La Réunion) beaucoup plus tôt que ce que je m’étais imaginé (à 17 ans), j’ai choisi de m’inscrire au double diplôme en droit franco-espagnol proposée par l’ESL.

    2. En quoi a consisté exactement la formation que vous avez réalisée (principe, durée et organisation) ? Quels diplômes avez-vous obtenus suite à cela ?

    Flavie : J’ai fait une formation en droit français et droit anglais qui m’a permis d’obtenir trois diplômes différents : une licence de droit française, une licence de droit britannique (LLB) et un master 1 de droit européen parcours droit des libertés. C’était une formation de 4 ans qui m’a conduit à passer mes deux premières années d’études supérieures à Toulouse puis les deux années suivantes au Pays de Galles. Je sais néanmoins que la formation a changé depuis puisqu’elle ne s’effectue plus qu’en 3 ans (2 ans à Toulouse puis un an à Bangor).

    Lisa-Marie : J’ai fait une formation similaire mais en droit français et droit espagnol. Cela m’a permis en 4 ans, d’obtenir une licence de droit française mention double diplôme franco-espagnol, un « grado en derecho » (l’équivalent espagnol d’un Master 1 français) et un Master 1 droit européen parcours droit des Libertés. J’ai réalisé les deux premières années à Toulouse puis les deux années suivantes à Valence en Espagne. Le double diplôme propose également une mobilité à Barcelone.

    3. Quels sont selon vous les avantages à faire un double diplôme en droit français-droit étranger et qu’est-ce que cela vous a apporté (scolairement, au niveau des opportunités …) ? Les inconvénients ?

    Flavie : Si l’on est intéressé par le droit international et européen, je pense qu’avoir l’opportunité de faire un double diplôme est une réelle chance pour développer ses connaissances en droit comparé. En effet, étudier les rouages d’un ordre juridique et juridictionnel différent est un véritable atout, notamment pour améliorer notre réflexion.

    À l’inverse, je dirais également qu’en étant constamment stimulé par des systèmes juridiques différents, il est parfois possible de s’y perdre ou de manquer de technicité si on ne fait pas attention.

    Lisa-Marie : Je suis complètement d’accord avec Flavie concernant les avantages. Je rajouterai que ça permet d’accroître notre capacité d’adaptation et notre capacité à comprendre le droit à travers la comparaison de divers systèmes juridique. Ce type de double diplôme nous aide également à ouvrir notre esprit et à essayer d’analyser ce qui est positif ou négatif dans les divers systèmes. C’est vraiment quelque chose de très enrichissant. De plus, ces formations ouvrent la possibilité de faire des stages à l’étranger ou même de continuer ses études dans un autre pays. Concernant l’Espagne par exemple, étant donné que l’on obtient le même diplôme que les étudiants ayant réalisé l’ensemble de leur « grado » en Espagne, cela nous ouvre la possibilité de pouvoir faire le « Master en Abogacia » dans une Université d’Espagne et d’ainsi devenir avocat sans avoir à passer par le CRFPA (un article parlant de cette possibilité devrait d’ailleurs sortir très prochainement sur le blog). Un autre avantage concernant ce double diplôme était celui d’être assuré d’avoir un Master (à l’ESL il s’agissait du MADIC, master en droit international et comparé). Étant donné que le double diplôme confère un niveau Master 1, avec la sélection se réalisant désormais en première année de master, l’université est « obligée » de nous « réserver » des places dans au moins un master car si l’on veut pouvoir finir notre formation, il nous est impossible de changer d’université entre la L3 et le M1.

    Ce dernier point fait surement partie des principaux défauts que j’ai trouvé à cette formation car, en effet, si l’on souhaite terminer la formation double diplômante, il nous est impossible de choisir une autre université pour réaliser son Master 1.  L’autre inconvénient est donc le fait de ne pas pouvoir choisir le Master que l’on souhaite, premièrement par rapport au fait qu’il faille absolument que le master soit à Toulouse mais également car il faut pouvoir valider les diplômes dans les deux pays avec les exigences correspondants aux formations des deux pays. En double diplôme franco-espagnol on pouvait choisir des masters en mention droit social, droit des affaires ou droit international et européen. Personnellement je trouve également que cela ne nous amène pas forcément à réfléchir à ce que l’on préfère dans la mesure où le parcours est tracé et les matières à TD sont imposées lors des deux premières années en France. En mobilité également, en tout cas c’était le cas en Espagne, on ne peut pas choisir nos matières comme cela peut être le cas pour une Erasmus, le but étant que le parcours corresponde au maximum aux exigences et prérequis des deux universités partenaires. Le fait d’arriver en Master 2 en ayant réalisé que deux années en France peut aussi être un peu perturbant au départ. Néanmoins, si j’ai trouvé que cela représente certes une petite difficulté, elle n’est pas insurmontable, même s’il y a des matières que l’on peut ne jamais avoir fait pendant notre parcours universitaire (la procédure civile ou administrative par exemple). Cependant je me suis rendu compte a posteriori qu’il y avait largement des façons de se remettre rapidement à niveau sur ces points là si besoin.

    4. Qu’est-ce que vous a apporté votre mobilité sur le plan humain et personnel ?

    Flavie : Ma mobilité était un peu particulière parce que la première année s’est déroulée à la rentrée 2020, soit juste après le premier confinement. Nous étions donc au Royaume-Uni, nous pouvions participer à la majorité des « clubs et sociétés » britanniques mais tous nos cours étaient en ligne. La situation s’est même durcie à partir de janvier 2021 puisque le Pays de Galles avait mis en place un nouveau confinement très strict (seuls les supermarchés étaient ouverts pendant 3 mois).

    Néanmoins, la situation a totalement changé lors de la deuxième année où j’ai pu vivre la véritable expérience universitaire britannique : les clubs de sport, les sociétés, les soirées au pub … Cela m’a permis de découvrir une autre culture et d’autres mœurs parce que même si nous sommes voisins, les Britanniques sont bien différents de nous !

    Lisa-Marie : Ma mobilité a également été un peu particulière en raison du COVID. Cependant je n’ai pas eu de soucis ni pour partir ni une fois arrivée. Malgré les différentes mesures sanitaires encore en place, il y avait tellement de choses à faire et voir, le cadre de vie restait incroyable et il y avait toujours moyen de découvrir plein de choses, les marchés, les différents jardins de la ville, les places typiques, et surtout, Valence étant une ville côtière, il y avait la plage et le port, mes endroits préférés ! La deuxième année avec la situation sanitaire qui s’était bien apaisée on a pu découvrir un autre aspect de la ville avec son côté plus festif, l’organisation des fallas (fête typique valencienne) etc. Je suis vraiment heureuse que cette mobilité ait duré deux ans, ça a rendu l’expérience selon moi encore plus bénéfique.

    Sur le plan personnel cette expérience m’a fait énormément grandir et m’a permis d’accroître encore plus ma capacité d’adaptation. Il a fallu s’adapter à un nouveau mode de vie, un nouveau cadre et une nouvelle organisation universitaire, une nouvelle langue, une nouvelle culture etc. J’ai personnellement trouvé ça vraiment incroyable.

    Il est clair que cette expérience m’a changé et m’a fait murir et évoluer d’une manière qui n’aurait pas été possible si j’avais réalisé l’entièreté de mon cursus universitaire en France. Ces années ont vraiment été très enrichissantes et m’ont permis de sortir de ma zone de confort sous différents points de vue.

    5. Pourquoi avez-vous préféré suivre une formation comme celle-ci plutôt que de faire une année en Erasmus ? Avec du recul, est-ce que si c’était à refaire vous referiez le même choix ?

    Flavie : Je pense que j’aurais fait une année d’Erasmus si je n’avais pas intégré ce double diplôme mais à vrai dire je n’ai jamais vraiment eu à me poser la question. Je ne peux pas comparer avec Erasmus mais si c’était à refaire, je le referai mille fois (malgré le Covid).

    Lisa-Marie : Personnellement j’ai choisi de faire ce double diplôme car je savais que ça allait obligatoirement mener à une mobilité dans mon cursus, il n’y avait pas de doute. En revanche, faire une année Erasmus, on ne le planifie pas dès la L1 donc il y a toujours la possibilité que ça n’aboutisse pas ou que ça finisse par ne pas se faire pour quelque raison que ce soit. Or, la mobilité pendant mon cursus universitaire était réellement quelque chose qui me tenait à cœur. Je sais que je referais 1000 fois le même choix si c’était à refaire car cela m’a permis de vivre une expérience extrêmement enrichissante et que je n’oublierai clairement jamais. Je pense d’ailleurs très fortement retourner à Valence à un moment car je suis vraiment tombée “amoureuse” de cette ville. De plus, je trouve qu’une mobilité de deux ans permet de réellement s’imprégner de la culture du pays et de s’améliorer d’un point de vue linguistique, là où une année Erasmus dure généralement au maximum un an. Finalement, je dirais tout simplement que ce type de formation correspondait mieux à ce que je recherchais et m’a donc apporté plus que ce qu’aurait pu m’apporter une année Erasmus.

    6. De manière globale, conseilleriez-vous les doubles diplômes aux étudiants ?

    Flavie : Oui totalement. Si vous ne craignez pas une charge de travail supérieure à la moyenne des étudiants en droit, foncez ! On travaille plus mais ça ne nous empêche pas de profiter de la vie étudiante. Je sortais toutes les semaines lors de mes deux premières années de licence et je les ai validé avec de très bons résultats. Tout est une question d’organisation.

    Lisa-Marie : Je suis complètement d’accord, la charge de travail et les exigences sont certes importantes, mais ce n’est clairement pas inaccessible, sans avoir besoin de sacrifier sa vie sociale ou ses activités extrascolaire, même s’il peut évidemment y avoir certaines concessions à faire par moment. Personnellement, ayant toujours été très sportive, en première et deuxième année de licence je tournais encore à 6 ou 7 entrainements de sport par semaine et cela ne m’a pas empêché de valider mes années avec de plutôt bons résultats, alors que je ne suis vraiment pas quelqu’un de particulièrement organisée.

    7. Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui réfléchissent à réaliser une mobilité mais qui appréhendent ?

    Flavie : L’inconnu fait peur mais vous grandirez tellement en expérimentant la mobilité. C’est une expérience qui apporte tellement sur le plan personnel. On sort de notre zone de confort mais on se rend très vite compte qu’on peut s’adapter à toutes les situations.

    Lisa-Marie : Franchement n’hésitez pas ! Jusqu’ici ça a été la meilleure expérience de ma vie et je sais que je m’en souviendrais toujours. Personnellement cette expérience m’a fait murir et évoluer d’une façon que je n’aurais pas pu imaginer, tant sur le plan personnel qu’académique. Malgré quelques difficultés par moment, je n’en retire que du positif et des souvenirs inoubliables. Franchement foncez ! En plus, quoi de mieux pour apprendre ou s’améliorer dans une langue étrangère ? Si j’ai un dernier conseil ça serait de choisir une destination pour laquelle vous avez un attrait particulier, l’expérience n’en sera que plus exceptionnelle.

    8. Y a-t-il un point que vous n’avez pas eu l’occasion d’aborder au travers des questions mais qui vous parait essentiel ?

    Flavie : La question des formalités administratives pour partir. Je suis partie au Royaume-Uni juste avant qu’il ne quitte officiellement l’UE. J’ai donc simplement dû faire une demande de « pre-settled status », une procédure réservée à ceux qui étaient installés au Royaume-Uni avant sa sortie de l’UE. Néanmoins, maintenant il faut faire une demande de visa qui peut être longue à avoir et un peu couteuse. C’est à prendre en compte parce que ces frais s’ajoutent aux frais universitaires britanniques qui sont bien plus élevés que les frais français.

    Lisa-Marie : Pour ce qui est de l’Espagne? je n’ai pas eu de formalité particulière à réaliser. Techniquement on était supposé faire une demande de N.I.E (numéro d’identification des étrangers) au bout de 90 jours. Si cette démarche est normalement obligatoire, on est beaucoup à ne pas l’avoir fait et cela ne nous a pas porté préjudice. Malgré tout, il est quand même préférable de le faire, même si c’est une démarche assez fastidieuse et longue (on s’est quand même gentiment fait “taper sur les doigts” quand notre responsable de diplôme en Espagne s’est rendu compte qu’on ne l’avait pas fait au bout d’un an et demi). Autre point à ajouter, il est conseillé, notamment si on reste longtemps (au moins 1 an), d’ouvrir un compte espagnol, car cela facilite les choses pour certaines transactions (certains propriétaires l’exigent pour le paiement du loyer, commandes internet etc.). Il existe des banques telles que Santander qui proposent des cartes bancaires gratuites. De la même manière, il peut être utile de prendre un numéro espagnol car de nombreux endroits n’acceptent de prendre que des numéros espagnols (les établissement de santé par exemple ou encore certains services de livraison et sites internet).

    Lisa-Marie Rodriguez

    La fragilisation de la Justice, une histoire de coût ? : interview d’un ancien magistrat, aujourd’hui professeur de droit civil

    Les grands enjeux du service public de la justice

    En ce mois d’avril, c’est au thème de la justice que l’on s’en remet, et cela tout particulièrement afin de sensibiliser aussi bien les étudiants que les professionnels sur les grands enjeux du service public de la justice. 

    De fait, ce thème se doit d’être abordé au sein de notre blog en raison de sa fragilisation depuis ces dernières années, notamment à travers une perte de sens des professionnels du droit face aux manques de moyens humains et matériels qui entraînent des conditions de travail délabrées, une augmentation des délais de traitement des dossiers, parfois des reports d’audience, ce qui interroge au niveau du délai raisonnable pourtant consacré et protégé par la Cour européenne des droits de l’homme en son article 6. 

    Les différents professionnels interrogés ont essayé de fournir une réponse, et sur une note plus positive, des solutions et des réflexions, dont nous vous laissons la lecture…

    Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre profession ?

    J’ai effectué mes études juridiques à l’Université de Nancy (aujourd’hui Université de Lorraine) où j’ai soutenu ma thèse de doctorat (“la rétroactivité dans le droit des contrats” parue aux Presses universitaires d’Aix-Marseille, collection droit des affaires). D’abord chargé d’enseignements, j’ai été successivement nommé auditeur de justice à l’ecole nationale de la magistrature puis magistrat de l’ordre judiciaire, avant de réussir le concours de poste de maître de conférences des universités.

    Depuis 2021, plusieurs évènements ont mis en avant l’existence d’une crise de la justice (notamment le suicide d’une jeune magistrate, l’appel des 3.000, les manifestations des professionnels du droit). Pour vous, quelles en sont les causes ?

    La cause principale est bien identifiée de tous les observateurs français comme étrangers : le sous financement structurel du service public de la justice, parent pauvre de la République depuis plusieurs décennies. L’indigence est telle que les magistrats sont parfois invités – sous la pression du moment et la nécessité procédurale – de pourvoir sur leur temps personnel, voire sur leurs deniers personnels pour faire fonctionner le service…
    En somme, avant même de renvoyer aux questionnements très pertinents des rapports inégaux de la justice française (laquelle n’est pas un “pouvoir” mais une simple “autorité”) avec le pouvoir exécutif notamment, la question première de l’indépendance budgétaire reste posée…

    Selon-vous, cette crise de la justice peut-elle affaiblir le lien de confiance des citoyens en la Justice, en particulier au regard des délais de jugement ?

    Un travail en juridiction paralysé dans son exécution en raison de difficultés structurelles de fonctionnement ne peut que rejaillir sur la qualité de l’oeuvre de justice elle-même : médiocre motivation des décisions, délais non raisonnables…
    A cela s’ajoute une inflation législative qui ne peut que compliquer l’office du juge … lequel n’est pourtant là que pour dire le droit, c’est à dire appliquer la loi.

    Pensez-vous que l’augmentation du personnel judiciaire est une réponse suffisante ?

    C’est en tout cas une première réponse indispensable ou, si l’on préfère une indispensable réponse première. Un doute : de telles annonces se sont révélées, par suite, comme non suivies d’effets budgétaires ces dernières années. Ce qui renforce le découragement du corps judiciaire, même parmi ses éléments les plus impliqués (chefs de juridiction ou procureurs).

    Quelles sont les autres actions qui devraient être mises en place de votre point de vue ?

    Le législateur et l’exécutif doivent associer aux normes nouvelles qu’ils entendent légitimement promouvoir, les professionnels du droit afin – au minimum – d’en mesurer l’impact réel sur les justiciables. Les études d’impacte d’aujourd’hui manquent trop souvent de bon sens pratique…

    Plusieurs réformes d’importances pour le quotidien du justiciable (Droit de la responsabilité ou Procédure pénale, par exemple) sont aujourd’hui élaborées par les services de la chancellerie avec une discrétion qui laisse augurer, une fois encore, des impossibilités ou des mal pensés…

    Le plan d’action issu des Etats généraux de la Justice prévoit de favoriser une véritable politique de l’amiable et une justice participative, donc plus rapide et donc plus proche, pour que le justiciable puisse se réapproprier son procès. Qu’en pensez-vous ?

    C’est surtout un effacement du régalien… et une justice à moindre coût !

    La surcharge de travail des greffiers selon une élève greffière

    Une élève greffière évoque sa vision de cette crise de la justice ainsi que du salaire trop faible des greffiers par rapport à la surcharge de travail qu’ils subissent, devant parfois faire le travail de plusieurs personnes à eux seuls.

    1) Présentation de votre parcours et de votre profession

    J’ai commencé mes études en 2020 avec un DUT Carrières juridiques tout en ne sachant pas vers quel métier m’orienter mais avec une réelle envie de continuer dans le droit. Après presque un an de réflexion je me suis intéressée au métier de greffier des services judiciaires. J’ai eu la chance en janvier 2022 de pouvoir faire un stage au sein du Tribunal judiciaire de Charleville Mézières, ce qui a confirmé mon envie d’intégrer le corps des greffiers. J’ai donc décider de passer le concours en parallèle de ma deuxième année de DUT. 

    Puis, en juillet 2022 j’ai été reçu au concours et diplômée d’un BAC+2. 

    J’ai donc intégrer l’école nationale des greffes depuis septembre 2022 pour une formation de 18 mois. 

     2) Depuis 2021, plusieurs évènements ont mis en avant l’existence d’une crise de la justice due à un épuisement professionnel. Partagez-vous ce ressenti ? Trouvez-vous que les conditions de travail sont bonnes ou devraient-elles être améliorées ? 

    Je suis arrivée trop récemment dans le monde de la justice pour ressentir personnellement cet épuisement, mais j’ai pu l’observer auprès d’un certain nombre de mes collègues. En effet, il existe un réel manque de personnel. Dans la juridiction dans laquelle j’effectue mes stages, certains services sont en souffrance. Les greffiers sont donc effectivement « épuisés » d’effectuer le travail de deux personnes à eux seuls

    En général, je pense que les conditions de travail pourraient être grandement améliorées pour la plupart des juridictions mais sans parler d’amélioration majeure une certaine reconnaissance du ministère est attendue et permettrait de re motiver certains personnels de greffe. 

    3) Pour vous, la souffrance au travail des greffiers est-elle suffisamment mise en lumière ?

    Sans aucun doute, non. Tout comme le métier de greffier en lui même d’ailleurs. 

    4) Pensez-vous que l’augmentation du personnel judiciaire est une réponse suffisante ?

    L’augmentation du personnel judiciaire est une réponse attendue et satisfaisante mais insuffisante

    Les greffiers se plaignent d’un salaire trop bas par rapport à leurs compétences et au niveau de responsabilité de ce métier. 

    Sans compter que la formation d’un greffier est de 18 mois, ceux qui seront donc prochainement recrutés devront être formés en juridictions et cela demande du temps et de la patience à des greffiers déjà débordés, donc qui par principe n’ont pas le temps de former de nouveaux personnels. 

    C’est de plus en plus de tâches qui sont demandées aux greffiers sans revalorisation du salaire, ce qui pose un réel problème. 

    ” Une justice trop rapide, parfois déshumanisante ” selon Manon LEFEBVRE, substitut du Procureur de la République

    Manon LEFEBVRE évoque les faibles moyens de la justice, impliquant notamment une justice trop rapide. Elle souligne le manque de la communication et de l’explication de la réalité du traitement judiciaire, alors même qu’ils rendent la justice au nom du peuple français. 

    1) Présentation de votre parcours et de votre profession

    J’ai commencé par des études d’histoire de l’art puis j’ai poursuivi en droit à Paris et Nantes. Ensuite, la première année, j’ai préparé le concours dans une prépa privée et pour ma seconde tentative j’ai préparé le concours à l’IEJ d’Assas à Paris.

    Je suis actuellement substitut du Procureur de la république au parquet du Tribunal judiciaire de Lille, à la section des mineurs.

    2) Depuis 2021, plusieurs évènements ont mis en avant l’existence d’une crise de la justice (notamment le suicide d’une jeune magistrate, l’appel des 3.000 magistrats, les manifestations des professionnels du droit). Pour vous, quelles en sont les causes ?

    Les causes sont multiples mais communes à de nombreux services publics. Le manque de moyen criant alloué à la justice implique que nous rendions une justice trop rapide, parfois déshumanisante. Nous ne prenons plus le temps de faire notre métier tel qu’on nous l’a enseigné. Cette situation créé une souffrance éthique pour celles et ceux qui travaillent pour la justice. Nous sommes peut-être arrivés à un stade où nous ne pouvions plus supporter cette situation et nous avons décidé de l’exprimer. Nous étions plusieurs à ne plus nous retrouver dans l’idée que nous nous faisions de la justice et ce sentiment devenait intolérable. Par ailleurs, je crois que nous devons expliquer aux justiciables, à nous toutes et tous, la réalité du traitement judiciaire en France car nous rendons la justice au nom du peuple français.

    3) Cette crise de la justice peut-elle affaiblir le lien de confiance des citoyens en la Justice, en particulier au regard des délais de jugement ?

    Bien-sûr que le manque de confiance s’installe. Nos délais sont trop longs c’est une certitude. Mais plus encore, nous nous renfermons. La nouvelle architecture fait que nos palais de justice deviennent des lieux quasiment inaccessibles aux justiciables ou aux collaborateurs de justice. Nous nous renfermons aussi parce que nous n’avons pas le temps de l’ouverture, de la discussion, de l’explication, de la pédagogie, du travail partenarial. Finalement nous finissons par devenir une forme d’administration.

    4) Pensez-vous que l’augmentation du personnel judiciaire est une réponse suffisante ?

    Pour le moment nous ne voyons pas la couleur des chiffres annoncés. Donc on verra dans quelques années avant de crier victoire. Si l’augmentation des moyens est un élément essentiel pour que la justice se porte mieux, j’espère que cela nous permettra aussi de repenser notre justice et notre fonctionnement. Pour l’instant nous n’avons même pas le temps d’y penser. Les urgences d’abord ! La réponse des moyens n’est pas suffisante mais elle est essentielle.

    5) Quelles sont les autres actions qui devraient être mises en place ?

    La refonte du statut du parquet est centrale pour que le parquet soit enfin totalement indépendant du pouvoir exécutif. La création d’une véritable police judiciaire, sous la direction de l’autorité judiciaire pour traiter nos procédures. Plus de communication sur la réalité de notre métier. Il y a un milliard de choses à faire pour notre justice.

    6) Le plan d’action issu des Etats généraux de la Justice prévoit de favoriser une véritable politique de l’amiable et une justice participative, donc plus rapide et donc plus proche, pour que le justiciable puisse se réapproprier son procès. Qu’en pensez-vous ?

    Il faudrait plutôt demander à un collègue du siège pour cette question. Mais pour ma part, il existe déjà des mesures existantes pour favoriser l’amiable mais on ne peut pas forcer les gens à se mettre d’accord. S’ils veulent un juge, on doit pouvoir leur offrir une justice digne de ce nom.

    Manon LEFEBVRE

    Les actions possibles contre cette crise de la justice selon Jérôme PAUZAT, magistrat et Président de l’association A.M.O.U.R de la Justice

    Jérôme PAUZAT, magistrat et Président de l’association A.M.O.U.R de la Justice présente tout d’abord son point de vue sur les causes de cette crise de la justice, notamment le fait de traiter la Justice comme une simple administration. Il expose ensuite toutes les actions possibles contre cette crise de la justice telles qu’une action institutionnelle qui vise à réformer la constitution pour que la justice soit consacrée en qualité de pouvoir et qu’elle soit indépendante du pouvoir exécutif.

    1) Présentation de votre parcours et de votre profession

    Titulaire d’un baccalauréat C (filière scientifique) obtenu en 1994, j’ai ensuite suivi des études de droit au sein de la faculté de droit de Toulon et fréquenté en parallèle le Centre de Ressources en Langue de l’Université de Toulon et du Var qui m’a permis d’obtenir en 1995, le diplome d’anglaisFirst Certificate Of CAMBRIDGE ».  

    En 1997, après avoir décroché ma licence de droit, j’ai quitté l’aire toulonnaise pour rejoindre l’Université MONTESQUIEU BORDEAUX IV où j’ai obtenu ma Maîtrise « Carrière Judiciaire et Sciences Criminelles », (mention assez bien).

    De 1998 à 2000, je me suis investi dans la préparation du concours d’entrée à l’École Nationale de la Magistrature, d’abord en m’inscrivant auprès de l’Institut d’Études Judiciaires de Bordeaux puis en intégrant l’Institut de Préparation à l’Administration Générale bordelais (dépendant de l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux).

    Lauréat du concours de la magistrature en 2000, je suis rentré à l’ENM en 2002 (promotion Badinter) après avoir satisfait aux obligations du service militaire en 2001.                              

    J’ai accompli mon stage juridictionnel au sein du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en 2003

    Je suis officiellement magistrat depuis le 1er septembre 2004.

    J’ai un parcours pénaliste dans des petites et moyennes juridictions lorraines. De 2004 à 2009, j’ai officié en qualité de Juge d’application des peines au Tribunal de Grande Instance de Bar-Le-Duc où j’ai en quelque sorte exercé une fonction de « juge placé sur place ».

    Outre ma fonction spécialisée de juge d’application des peines en charge du milieu ouvert et de deux établissements pénitentiaires, j’ai beaucoup œuvré pour le service général en assurant les présidences d’audiences correctionnelles à juge unique, de collégiales et de comparutions immédiates, en participant aux assessorats des audiences d’assises et des audiences correctionnelles collégiales.

    J’ai également pu exercer en qualité de juge d’instruction en replacement du titulaire lors de ses congés et empêchements. J’ai enfin présidé les audiences sur intérêts civils, et suppléé le juge d’instance de Saint-Mihiel (avant la fermeture de ce tribunal en 2009) en qualité de juge des tutelles et de juge de police.

    De 2009 à 2013, j’ai poursuivi ma « fonction de cœur » de juge d’application des Peines au sein du Tribunal de Grande Instance de Nancy, où j’ai eu la charge, entre autres, du nouveau Centre Pénitentiaire crée à Maxéville. Par ailleurs, j’ai reçu l’habilitation pour siéger comme assesseur à la juridiction Inter-régionale Spécialisée, en plus de ma participation au service général comme juge assesseur à la chambre économique et financière du tribunal correctionnel.

    D’octobre 2013 à février 2018, j’ai réalisé mon avancement en qualité de Vice-Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance d’Épinal et j’ai eu la chance comme l’honneur d’exercer les fonctions d’avocat général lors de sept procès d’assises.

    De février 2018 à décembre 2022, j’ai bénéficié d’un détachement auprès de l’École Nationale de la Magistrature et occupé le poste de Coordonnateur Régional de Formation pour le Grand-Est.

    J’étais en charge de la formation initiale et de l’évaluation des magistrats stagiaires sur quatre ressorts de cour d’appel (Metz, Nancy, Colmar et Besançon) ainsi que de la formation continue déconcentrée sur le ressort de la Cour d’Appel de Metz

    Depuis janvier 2023, je suis revenu en juridiction et occupe le poste de 1er Vice-Président en charge du service de l’application des peines au sein du Tribunal Judiciaire de Nancy.

    Par ailleurs, j’ai créé en janvier 2021 l’association A.M.O.U.R de la Justice que je préside (Association des Magistrats, personnels et usagers de justice Œuvrant pour l’Unité et la Réforme de la Justice), collectif qui a pour but de rassembler toutes celles et ceux qui travaillent autour de la justice ou qui s’y intéressent afin de réfléchir collectivement à un projet de refonte de la justice qui viennent de la base, du terrain.

    Dans cet esprit, j’ai co-écrit avec deux amis magistrats et vice-présidents de l’association, Marie BOUGNOUX et Laurent SEBAG, un premier livre intitulé « Manifeste pour une justice humaine et indépendante » aux éditions Enrick B., paru en mai 2022.

    Enfin, en lien avec l’Université de Lorraine et avec trois maîtres de conférence des facultés de droit de Nancy et Metz, j’ai créé une préparation publique au concours de la Magistrature qui fait l’objet d’une convention avec les cours d’appel de Nancy, Metz et l’ENM.

    2) Depuis 2021, plusieurs évènements ont mis en avant l’existence d’une crise de la justice (notamment le suicide d’une jeune magistrate, l’appel des 3.000 magistrats, les manifestations des professionnels du droit). Pour vous, quelles en sont les causes ?

    La cause principale réside dans la volonté des gouvernants successifs français de traiter la Justice comme une simple administration et de ne pas lui accorder les moyens humains et matériels nécessaires pour qu’elle puisse exercer normalement ses missions.

    Le pouvoir exécutif en France ne souhaite pas que la justice, considérée comme autorité par notre Constitution, devienne un pouvoir et soit véritablement indépendante.

    Au gré des fluctuations politiques et des alternances, l’institution judiciaire a dû absorber d’innombrables réformes à moyen constant, ce qui a concouru à l’épuisement physique et moral des magistrats et fonctionnaires, trop peu nombreux pour absorber des missions toujours plus importantes.

    Enfin, la Justice comme d’autres services publics, est victime de l’application du « New Management Public ») savoir l’instauration dans l’administration d’une logique managériale et budgétaire. C’est un non-sens pour la Justice qui ne peut être gérée avec des objectifs de rendement.

    3) Cette crise de la justice peut-elle affaiblir le lien de confiance des citoyens en la Justice, en particulier au regard des délais de jugement ? 

    Oui, c‘est déjà le cas. Bon nombre de magistrats, accablés par une charge de travail intenable et craignant pour leur carrière, ont développé des pratiques dégradées afin d’essayer d’apurer les stocks d’affaires en constante augmentation.

    Ils ont rétréci l’espace-temps passé avec le justiciable, diminué la qualité d’écoute de ce dernier, réduit son temps de parole pour accélérer la sortie des décisions. Mais cela ne fonctionne pas, les citoyens attendent une justice moins lente certes, mais veulent avant tout avoir véritablement accès à leur juge, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. D’où la crise de confiance.

    4) Pensez-vous que l’augmentation du personnel judiciaire est une réponse suffisante ?

    Je pense que l’augmentation des personnels judiciaires est une condition nécessaire mais non suffisante. Il faudrait doubler les effectifs aujourd’hui pour être à la hauteur des standards européens et au rendez-vous d’une justice de qualité et démocratique, apte à garantir l’égalité de traitement entre tous.

    Mais pour que cela fonctionne, la justice française doit sortir du giron de l’exécutif et ne plus être considérée comme une simple administration. Cela implique qu’elle soit véritablement indépendante du pouvoir politique et qu’elle dispose d’une autonomie budgétaire via un Conseil Supérieur de la Magistrature rénové et seul garant de l’indépendance des magistrats en France.

    5) Quelles sont les autres actions qui devraient être mises en place ?

    Je vous renvoie aux propositions de l’association A.M.O.U.R de la Justice et notamment à celles consignées dans l’ouvrage précité « Manifeste pour une justice humaine et indépendante ».

    La première action est institutionnelle : il s’agit de réformer la constitution pour que la justice soit consacrée en qualité de pouvoir et soit indépendante du pouvoir exécutif.

    Il faut notamment réformer le statut du Parquet et couper le cordon ombilical avec le Ministre de la Justice. Je propose que le Parquet soit dirigé par un Directeur National de l’Action Publique, procureur expérimenté, désigné par le Conseil Supérieur de la Magistrature et dont la nomination devrait être ensuite validée par un vote à la majorité qualifiée des 2/3 du parlement français.

    Le pouvoir de nomination et le pouvoir disciplinaire des magistrats du Parquet seraient alignés sur ceux du siège et confiés au Conseil Supérieur de la Magistrature.

    Ce dernier serait transformé en Conseil Supérieur de la Justice, seul garant de l’indépendance de la magistrature, et se verrait confié la gestion du budget de la justice, l’organisation et la gestion des ressources humaines des magistrats outre la direction de l’inspection générale de la Justice.

    Enfin, la dernière action majeure serait de redonner une « humanité éthique » à notre justice et redonner un vrai sens à l’office du juge. Celui-ci doit être accessible aux justiciables ce qui signifie que l’audience, le débat contradictoire doivent être sanctuarisés au détriment de tous les modes simplifiés de jugement qui contournent le juge.

    6) Le plan d’action issu des Etats généraux de la Justice prévoit de favoriser une véritable politique de l’amiable et une justice participative, donc plus rapide et donc plus proche, pour que le justiciable puisse se réapproprier son procès. Qu’en pensez-vous ?

    Cette politique de l’amiable est très dangereuse car elle vise en réalité à externaliser l’œuvre de justice et la confier à d’autres personnes que le juge alors que l’une des missions principales du juge, après celle de trancher des litiges, est de concilier les parties.

    Encore une fois, ce plan a pour but d’éviter la création de postes de magistrats, jugés trop coûteux et de ne pas renforcer l’autorité judiciaire. La justice participative doit rester la rencontre du juge et du justiciable lors de l’audience.

    Confier des missions du juge à des acteurs privés et tenter d’importer en France la politique de l’amiable en vogue dans les pays anglo-saxons recèle un risque majeur de privatisation de notre justice. Et je ne souhaite pas d’une justice à l’anglo-saxonne qui fait la part belle aux plus fortunés et à ceux qui peuvent se payer les meilleurs avocats ou les meilleurs « médiateurs » pour obtenir gain de cause.

    La seule politique de l’amiable qui vaille est celle qui reste sous la direction du juge et où l’action du médiateur ou du conciliateur est subordonnée à la décision judiciaire.

    Jérôme PAUZAT, magistrat, Président de l’association A.M.O.U.R de la Justice

    Quitter la profession d’avocat : causes et enjeux par Noréa Thomas, ancienne avocate

    ” La perte de sens ” des professionnels du droit est l’un des enjeux qui traverse notre société contemporaine. Le manque de moyens humains et matériels entraîne bien souvent des conditions de travail délabrées, une augmentation des délais de traitement des dossiers, parfois des reports d’audience, et ce qui peut interroger au niveau du délai raisonnable pourtant consacré et protégé par la Cour européenne des droits de l’homme en son article 6. 

    Or, les causes peuvent aussi revêtir un aspect plus personnel comme la recherche d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Dans cet article Noréa Thomas revient sur son parcours et les raisons qui l’ont poussée à quitter la profession d’avocat.

    Pouvez-vous présenter votre parcours et votre profession ?

    Quelques mots sur mon parcours académique, qui intéressera peut-être votre cible : j’ai effectué ma licence de droit privé à Dijon, puis un Master 1 en droit des affaires en Erasmus à Manchester (en 2008).

    J’ai ensuite déménagé à Lyon où j’ai passé un Master 2 en propriété intellectuelle – droit des affaires. J’ai enchaîné les stages et contrats de juriste en cabinet d’avocats et en entreprise, avant de me décider à passer le CRFPA en 2011. J’ai suivi l’Ecole des avocats à Lyon, pendant laquelle j’ai effectué des stages chez Parfums Christian Dior (stage PPI) et chez Fidal (stage final), en propriété intellectuelle et droit des affaires.

    J’ai eu la chance de pouvoir continuer chez Fidal pour ma première expérience d’avocate, en remplacement du congé maternité de mon ancienne maître de stage. Il s’agit à ma connaissance d’un des seuls cabinets qui remplace une avocate en congé maternité, sans reporter la charge de travail sur le reste de ses équipes.

    J’ai ensuite rejoint le cabinet CAYSE Avocats, cabinet de pointe en contentieux commercial et droit des entreprises en difficulté à Lyon. J’y suis restée 6 ans.

    Une accumulation de perte de sens et d’épuisements professionnels m’a donné l’opportunité de me questionner sur l’impact que je souhaitais avoir autour de moi. J’ai vécu et surtout observé la souffrance, le mal-être, la perte de sens, l’épuisement et la montée des clivages au sein de la profession d’avocats. J’ai décidé de mettre mes qualités et compétences d’empathie, de discernement des comportements humain, du monde de l’entreprenariat au service des avocats.

    J’ai créé HERMINE en avril 2021, cabinet d’accompagnement des avocats. Ma raison d’être est de transformer les avocats en entrepreneurs épanouis : entrepreneurs pour leur permettre de monter en compétence de gestion humaine et stratégique de leur cabinet, et épanouis pour qu’ils puissent exercer leur métier en santé, avec énergie et envie. J’interviens principalement en coaching individuel et collectif, et dans une moindre mesure en conseil, pour aider les avocats à développer leur clientèle, retrouver l’équilibre vie/pro vie perso, retrouver du sens, manager leurs équipes et apprendre à fonctionner en collectif.

    Selon vous, comment expliquer que de nombreux avocats abandonnent le barreau après quelques années d’exercices ?

    Les causes sont multiples et protéiformes. Si je compile à la fois celles que j’ai vécues et celles que j’entends de mes clients :

    • Besoin de stabilité et d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle : la charge de travail est trop importante, quel que soit le statut (associé, collaborateur, salarié…), et imprévisible, donc difficilement compatible avec une vie de famille, surtout quand on est une femme.
    • Besoin de respect et d’indépendance : les avocats qui raccrochent la robe se plaignent d’un management inexistant, voire harcelant, une impression de ne pas être entendu ou respecté.
    • Besoin de sens : ils vivent une perte de sens, impression d’œuvrer « du mauvais côté », surtout en droit des affaires : besoin de mettre son énergie dans une mission plus sociale, environnementale, ou simplement plus concrète, et parfois intellectuellement plus stimulante (je pense aux avocats qui font du contentieux de masse ou des affaires très similaires).
    • Besoin de sécurité financière : difficulté à développer une clientèle, difficulté à facturer au prix juste, impression de travailler beaucoup pour gagner peu et payer beaucoup de cotisations.

    Depuis 2021, plusieurs évènements ont mis en avant l’existence d’une crise de la justice (notamment le suicide d’une jeune magistrate, l’appel des 3.000, les manifestations des professionnels du droit) due à des mauvaises conditions de travail et une perte de sens. Cette perte de sens concerne-t-elle aussi les avocats ? Ainsi, selon vous, quelles sont les actions qui devraient être mises en place pour lutter contre cette crise ?

    Assurément. Là aussi les questions sont complexes et propres à chacun. J’ai compilé chaque cause et chaque proposition de solution ci-dessous, dans une analyse très empirique et subjective :

    • Besoin d’œuvrer pour une cause plus humaine, sociale ou environnementale compte tenu des enjeux actuels, et une impression que le métier d’avocat ne le leur permet pas. Les avocats ont besoin d’apprendre à attirer à eux les clients et les dossiers qui sont alignés à leurs valeurs, pour pouvoir exercer leur métier en œuvrant pour une cause qui leur est chère. Des compétences en développement commercial et en marketing, mais surtout une excellente connaissance de soi, leur permettront de le faire.
    • Besoin de reprendre le contrôle de leur temps et de s’approprier des temps personnels suffisants. Les avocats pédalent dans la semoule, ont l’impression de se battre contre un géant immobile qui leur pourrit la vie. L’organisation actuelle de l’institution judiciaire est telle qu’elle est chronophage à la fois pour ses membres et pour les auxiliaires de justice : organisation des audiences, ampleur des formalités, complexité des solutions technologiques à disposition, rigidité des processus, impossibilité croissante de parler à un être humain au sein des juridictions, délai de procédure. L’augmentation des moyens techniques et surtout humains de la justice est urgente pour faire baisser la pression chez les avocats, l’institution judiciaire et la société en général,
    • Besoin d’harmonie dans les relations et de travailler dans des conditions épanouissantes : il est urgent que les cabinets forment leurs membres au management, et surtout donnent aux collaborateurs la latitude pour s’organiser de manière réellement autonome, apprendre, prendre des initiatives, participer au développement commercial du cabinet, soigner l’ambiance. D’autres environnements de travail proposent ces conditions (sur le papier en tout cas), et les avocats ne veulent plus sacrifier leur vie à travailler dans la douleur, surtout les jeunes. Ils donneront leur pleine capacité et leur pleine énergie s’ils sont épanouis.
    • Besoin de confiance : beaucoup d’avocats que je rencontre vivent leur métier comme une vocation d’aide de l’autre. Le piège de cette vision est de ne pas savoir dire non, donc de prendre tous les dossiers, à des prix bas, dans l’urgence, pour aider. Travailler sur soi, se connaître, renforcer sa confiance pour mieux « choisir ses dossiers », allier facturable pour vivre et pro bono pour la bonne cause, est un premier pas.
    • Besoin d’apaiser les conflits, ce qui dérange certains avocats qui ont l’impression de les attiser, surtout en contentieux. A cet égard, le développement des modes alternatifs de règlement des différends est essentiel, ainsi que la formation des avocats à ces MARD.

    Noréa Thomas, fondatrice d’Hermine. Vous pouvez retrouver son profil Linkedin via le lien suivant : https://www.linkedin.com/in/noreathomas/

    La confiance, un élément nécessaire à notre démocratie selon la magistrate Valérie-Odile DERVIEUX

    La magistrate Valérie-Odile DERVIEUX expose les trois principales causes de la crise de la justice : un service public sous budgété, un brouhaha normatif incessant et enfin un discours politique dénigrant. Elle présente également l’importance de la confiance pour le bon fonctionnement de notre démocratie et les solutions pour la restaurer.

    1. Une présentation de votre parcours 

    Magistrate depuis 1990, j’ai eu la chance de pouvoir exercer presque toutes les fonctions de juge du siège et du parquet à différents niveaux de hiérarchie :

    Juge aux affaires familiales, juge de l’application des peines, juge civile (généraliste, saisies immobilières) juge des enfants, juge d’instruction, juge d’instance, présidente de correctionnelle (presse, financier, comparution immédiate, stupéfiants, proxénétisme etc..), avocate générale aux assises…

    J’ai également eu l’honneur de me voir confier des missions transversales : secrétaire générale adjointe du procureur de la République de Paris, responsable de l’informatique pénale parquet/siège du TGI de Paris, référente laïcité.

    J’ai aussi eu l’opportunité d’assurer, dans le cadre de détachement, les fonctions de chef de bureau à l’AP-HP et de chef de cabinet à la chancellerie.

    Je suis, depuis un peu plus de 2 ans maintenant, présidente de chambre d’instruction à la cour d’appel de Paris, spécialisée en droit de la presse, santé publique, environnement et accident collectif.

    J’exerce également des responsabilités syndicales.

    Ce parcours, qui est aussi un parcours de vie, me permet d’avoir une vision transversale du métier de magistrat qui me passionne.

    Cette passion, cette expérience, je suis toujours heureuse de la partager avec mes étudiants (Paris 1, ENM, Paris Nanterre) et dans mes publications.

    2. Quelles sont les causes selon vous de la crise de la Justice ?

    Un service public sous budgété

    Le service public de la justice se voit doter, année après année, d’un budget insuffisant.

    La France reste d’ailleurs, à cet égard, à la traine des  pays démocratiques en terme de moyens humains et techniques et de conditions de détention (cf. chiffres de la CEPEJ )

    Un brouhaha normatif incessant,

    Des lois, des décrets, des circulaires, des notes, des jurisprudences chaque jour…

    C’est trop ! (cf. : 2021, année record de l’inflation normative 

    Cela donne l’impression, qui est sans doute vraie en partie, que plus personne ne contrôle rien.

    Et enfin un discours politique dénigrant qui vise spécifiquement les juges judiciaires comme si, aujourd’hui encore, appliquer les règles de droit aux puissants comme aux « misérables », relevait nécessairement d’une démarche partiale inadmissible.

    Ces éléments, bien connus de tous, créent et alimentent un sentiment d’insécurité et mais aussi un climat de suspicion envers les juges, la justice et les institutions en général.

    3. En quoi la confiance est-elle un élément important pour le bon fonctionnement de la Justice ?

    La confiance n’est pas « un élément important pour le bon fonctionnement de la Justice » mais un élément nécessaire pour le bon fonctionnement de notre démocratie.

    La confiance est le fondement de notre contrat social.

    L’invoquer ou l’utiliser dans le titre de loi n’est pas suffisant : la confiance ne se décrète pas, elle se gagne !

    4. Comment restaurer la confiance en la Justice ?

    En accordant au service public de la justice les moyens dont il a besoin.

    En pensant « système » comme l’a indiqué le président MACRON dans son discours introductif aux Etats Généraux de la justice  et en initiant, pour le coup, les réformes qui s’imposent : statut du parquet, démocratie interne au sein de l’Institution judiciaire , rôle du Conseil Supérieur de la Magistrature, gestion RH professionnalisée de la magistrature.

    En respectant les professionnels de la justice qui incarnent le pouvoir judiciaire dont on doit se rappeler qu’il relève du régalien.

    En refondant le droit et le service public de la justice.

    5. L’augmentation du personnel judiciaire sera-t-elle une réponse suffisante ?

    C’est nécessaire, pas suffisant.

    Votre action, comme juristes de demain et citoyens, sera déterminante !

    Valérie-Odile DERVIEUX.