Témoignage sur la sélection en master de Justine, étudiante de 22 ans.


La sélection en master est un véritable défi qui engendre un niveau de stress important chez les étudiants, mais il est crucial de comprendre qu’elle ne relève pas de l’impossible.

Propos recueillis par Julia DEFLANDRE

Présentation et Parcours

Après un baccalauréat économique et social, j’ai intégré l’Université Paris-Est Créteil pour une licence de droit. Malgré des problèmes de santé en première année, j’ai persévéré et redoublé avec une moyenne de 9,9. En juin 2022, j’ai obtenu ma licence de droit et je poursuis actuellement un master en professions juridiques et judiciaires à l’Université catholique de Lille. Mon choix de matières en licence était guidé par mon objectif de devenir notaire, avec des domaines tels que le droit commercial, le droit des sociétés, le droit immobilier, la famille, les contrats spéciaux et les obligations.

1. Votre retour d’expérience de la sélection en master (expérience personnelle et/ou celle de vos camarades)

La sélection en master a été une période très difficile et injuste pour moi. Malgré un dossier solide, comprenant de nombreuses compétences extra-universitaires telles que des stages et des engagements associatifs, j’ai été confrontée à de nombreux refus tandis que des étudiants avec des moyennes supérieures ou inférieures aux miennes ont été acceptés dans leur premier choix de master. Je suis restée perplexe face à cette situation, d’autant plus que j’avais postulé dans 56 masters en relation avec mon projet professionnel pour au final avoir été acceptée dans un seul master. Cette expérience m’a fait réaliser que la sélection en master ne se base pas toujours sur l’ensemble des compétences et des engagements que j’ai développés. Cette approche, qui met en égalité des étudiants aux parcours différents, ne reflète pas la réalité de chaque individu. Bien que je sois actuellement épanouie dans mon master, je ne peux m’empêcher de garder un sentiment d’injustice et de frustration vis-à-vis de cette sélection en master.

2. Selon vous, quels sont les éléments indispensables à faire apparaître dans la lettre de motivation ? et ceux à éviter ?


Personnellement, je doute sérieusement que les lettres de motivation soient réellement lues, du moins pas avant que le dossier soit présélectionné. Cependant, je suis convaincue qu’il est essentiel de mettre en avant notre identité, nos aspirations professionnelles et notre détermination à les réaliser. Il est primordial de présenter chaque aspect de notre parcours de manière positive, même lorsque nous abordons des expériences négatives, telles qu’un redoublement, en soulignant les aspects bénéfiques que cela a pu apporter à notre développement.

3. Selon vous, quelles sont les expériences à privilégier pour valoriser son CV ?


Je suis d’avis qu’il n’y a pas d’expériences privilégiées à mettre en avant, car nous savons tous à quel point il peut être difficile de trouver un stage. Dans le cas où nous n’avons pas réussi à décrocher un stage, il est important de mettre en valeur nos expériences professionnelles. Il ne faut pas oublier que notre objectif est de devenir des professionnels de demain, et non seulement des étudiants. De nombreux étudiants excellent dans leurs études, mais ne possèdent pas les compétences nécessaires pour être de bons professionnels. Pour ma part, j’ai eu la chance de réaliser un stage d’observation d’un mois dans un cabinet, suivi d’un stage de 4 mois où j’ai eu la responsabilité de gérer mes propres dossiers, ainsi qu’un emploi juridique de 2 mois dans un cabinet. J’ai également mentionné les différents emplois que j’ai occupés depuis l’obtention de mon baccalauréat.

4. Effectuer un stage est-il indispensable pour être admis en master ?

Selon moi, je ne considère pas qu’un stage soit essentiel pour être accepté en master. La preuve en est que je connais des personnes qui n’ont effectué aucun stage et qui sont actuellement inscrits en master. Je suis d’avis que le stage peut être bénéfique sur le plan personnel, car il permet de déterminer si le domaine dans lequel on souhaite s’orienter nous correspond réellement. Il est possible de vivre une expérience de stage négative dans un lieu spécifique, mais cela ne signifie pas nécessairement que l’on n’aime pas le métier en lui-même. Il est important de se donner la chance de tester d’autres environnements avant de conclure que ce n’est pas fait pour nous.

5. Un étudiant a t-il ses chances d’être pris en master malgré des mauvaises notes ? des rattrapages ? un redoublement ?

Chaque étudiant a un parcours qui lui est propre. Selon mon expérience, il est tout à fait possible d’être accepté dans un master même en ayant redoublé (sachant que les redoublements sont fréquents en première année de licence). De même, il est tout à fait envisageable d’être admis en master après avoir passé par une session de rattrapage (les rattrapages représentent une opportunité de se rattraper, pas une fatalité). En ce qui concerne les notes, il est important d’adopter une perspective objective : si on ne travaille pas suffisamment, il est normal d’obtenir des résultats en conséquence, mais si l’on met les efforts nécessaires, cela devrait porter ses fruits. Par exemple, personnellement, mes résultats en master sont nettement meilleurs que ceux que j’ai obtenus pendant ma licence.

6. Dans combien de Master faut-il candidater selon vous ?

De mon expérience personnelle, j’avais initialement l’idée qu’en postulant à un grand nombre de masters, j’augmenterais mes chances d’être accepté. Cependant, la leçon que j’ai tirée de ma propre sélection est que plus on postule, plus on risque de recevoir des refus. À présent, je suis convaincue qu’il n’y a pas de nombre spécifique de candidatures à privilégier en master, mais plutôt qu’il est essentiel de postuler à des masters où l’on a de réelles chances d’être acceptée. Si l’on candidate à un master renommé mais que notre moyenne n’est pas exceptionnelle, les chances de refus sont plus élevées que celles d’être acceptée. Il est donc primordial de postuler de manière réfléchie, en privilégiant la qualité plutôt que la quantité, d’autant plus cette année où le nombre de choix est limité à 15.

7. Comment présenter son projet professionel dans sa lettre de motivation

Ton projet professionnel représente ton objectif à long terme, donc ta lettre de motivation doit justifier ce projet. Il est essentiel de montrer ce que tu as accompli et ce que tu fais actuellement pour atteindre cet objectif. De plus, tu dois expliquer en quoi le master auquel tu postules sera un moyen de réaliser ton objectif. Toutefois, il est important de rappeler que le master est un soutien pour ton projet, mais il ne garantit pas automatiquement la réussite. Selon moi, il n’existe pas de présentation standard pour décrire son projet professionnel, mais plutôt une présentation continue tout au long de la lettre de motivation.

8. Comment mettre en avant son intérêt pour le master dans la lettre de motivation ?

Tout comme la réponse précédente, je pense que l’intérêt d’un master doit être justifié par rapport à son projet professionnel. Il est important de mettre en évidence en quoi la matière X du master sera pertinente pour ton projet professionnel. En réalité, tu sauras si un master est réellement fait pour toi lorsque la justification de ton intérêt pour ce master correspondra parfaitement à ton projet professionnel. Par conséquent, il n’existe pas de présentation standard pour mettre en avant son intérêt pour un master, mais cela devrait être une évidence en lien avec ton projet.

9. Conseillez-vous d’inclure une lettre de recommandation dans le dossier de candidature ?


Selon moi, je ne recommanderai pas d’en ajouter une. Si la lettre de recommandation émane d’un professeur, il peut être légitime de remettre en question sa pertinence, étant donné que les professeurs en amphithéâtre ne sont pas souvent proches de leurs étudiants. En revanche, si elle provient d’un professionnel du droit avec qui tu as effectué un stage, il est possible d’en discuter, bien que les directeurs de master accordent de moins en moins d’importance aux lettres de recommandation.

10. Si vous aviez un dernier conseil à donner aux étudiants pour réussir l’épreuve de la sélection, lequel serait-il ?

Un conseil important que je souhaite partager est de prendre du recul par rapport à la situation. Je comprends que cette période soit extrêmement difficile, mais il est essentiel de comprendre que le résultat de cette sélection en master ne définit pas ta valeur en tant que personne, ni ton potentiel futur. Obtenir un master ne garantit pas automatiquement la réussite dans la vie, car le master est un moyen pour atteindre tes objectifs, mais il n’est pas une fin en soi

La réforme des Masters vue par le Professeur Anne PONSEILLE.

Découvrez le point de vue d’une Directrice de Master sur la réforme des Masters.

Propos recueillis par Julia DEFLANDRE

Présentation et Parcours

J’ai obtenu ma maîtrise (Master 1) en droit à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, suivi d’un DEA de Droit pénal fondamental (Master 2). J’ai ensuite obtenu un doctorat en Droit privé et sciences criminelles à la Faculté de Droit et de Science politique de Montpellier. Depuis 2006, j’exerce en tant qu’enseignant-chercheur et maître de conférences dans cette même université, où j’ai également obtenu mon habilitation à diriger des recherches. Actuellement, je co-dirige la mention Droit des libertés et le master Droit de la sanction et exécution des peines, ainsi qu’un Diplôme d’Université (DU) en Victimologie.

1. En quoi consiste la réforme des Masters ? 

La réforme implique la centralisation des demandes des étudiants titulaires d’une licence et l’établissement d’un calendrier commun pour toutes les universités.

2. Dans combien de Masters est-il possible de candidater ?


Le Ministère a annoncé qu’il était autorisé de soumettre jusqu’à 15 candidatures sur la plateforme monsmaster.gouv.fr, sur l’ensemble du territoire national. Les étudiants ont la possibilité de présenter 15 candidatures pour des masters non ouverts à l’alternance, ainsi que 15 candidatures pour des masters ouverts à l’alternance. Il est important de noter que si plusieurs masters (parcours) appartiennent à la même mention, cela compte comme une seule candidature.

3. Pouvons-nous candidater plusieurs fois dans une même université mais pour des parcours différents ? Y a-t-il un nombre de masters maximum par université dans lesquels nous pouvons candidater ?

Effectivement, il est tout à fait envisageable de soumettre une ou plusieurs candidatures au sein de la même université, sans aucune autre restriction que le nombre maximum de 15 dépôts de candidatures tel qu’expliqué précédemment. Vous avez ainsi la possibilité de postuler à différents programmes au sein de la même institution, en fonction de vos intérêts et objectifs académiques. Cette flexibilité vous permet d’explorer davantage les opportunités offertes au sein de l’université tout en respectant les limites de candidatures imposées.

4. Quels sont les principaux critères de sélection afin d’accéder à un Master ? Les activités extra universitaires sont-elles valorisées ?

Les critères de sélection sont déterminés par les directeurs de chaque master, ce qui signifie qu’ils peuvent varier d’un programme à l’autre. En règle générale, plusieurs éléments sont pris en compte lors de l’évaluation des candidatures, tels que le parcours universitaire du candidat, les performances académiques dans les domaines clés du master, sa motivation, son éventuel projet professionnel, les stages déjà effectués et son implication dans la vie associative. Ces critères permettent aux directeurs d’apprécier la qualité et la pertinence de chaque candidature, en recherchant des profils qui correspondent aux spécificités et aux objectifs du master concerné. Ainsi, il est important de présenter un dossier complet et de mettre en valeur les expériences et les compétences qui pourraient influencer favorablement la décision des responsables de la sélection.

6. Êtes-vous favorable à cette sélection ? 

L’approche de cette réforme présente des aspects positifs et négatifs, comme cela a été mentionné précédemment. D’un côté, elle offre des avantages tels que la centralisation des demandes des étudiants ayant obtenu une licence et l’instauration d’un calendrier uniforme à l’échelle nationale, ce qui facilite le processus de candidature. Cela permet également aux étudiants de présenter un nombre défini de candidatures sur la plateforme dédiée, offrant ainsi une plus grande visibilité et une plus grande diversité de choix. Cependant, cette approche comporte également certains inconvénients potentiels, notamment en termes de limitation du nombre de candidatures possibles et de la complexité de la gestion des candidatures multiples dans le même établissement. Il est donc essentiel de prendre en compte ces aspects avant de formuler ses choix de candidatures dans le cadre de cette réforme.

7. Sur quelle période se déroulera la sélection ? 


Le dépôt des candidatures pour la réforme des masters se déroulera dans une période déterminée, du 22 mars au 18 avril 2023. Après avoir soumis leurs candidatures, les étudiants devront faire preuve de réactivité, car les réponses seront communiquées dans un délai relativement court, du 23 juin au 21 juillet 2023. I Cette contrainte de temps peut créer une certaine pression dans le processus de choix, soulignant ainsi l’importance d’une réflexion préalable et d’une bonne organisation pour tirer pleinement parti de cette période de réponse. Ce délai d’acceptation relativement court, a été mis en place dans le but de permettre aux étudiants qui n’ont pas encore obtenu de place en master de bénéficier des désistements progressifs. Cette approche vise à offrir aux étudiants une opportunité supplémentaire de trouver un master qui corresponde à leurs aspirations et à leurs besoins, en tirant parti des places qui se libèrent au fur et à mesure des désistements. Il est donc essentiel pour les candidats d’être attentifs et réactifs pendant cette période, afin de maximiser leurs chances de saisir une opportunité qui se présenterait.

8. Que doit faire l’étudiant qui se retrouvera sans admission ?

Dans le cas où l’étudiant voit tous ses choix refusés, il est possible de faire des recours, une démarche souvent sous-estimée, afin de trouver un master similaire à ceux auxquels une demande n’avait pas été initialement adressée. Les recours peuvent permettre d’explorer de nouvelles opportunités et de découvrir des parcours qui correspondent aux aspirations de l’étudiant. Il est essentiel de se renseigner sur les possibilités de recours et de saisir cette option comme un moyen de rebondir et de trouver une alternative enrichissante pour poursuivre ses études supérieures.

Dans le cas où un étudiant n’a pas réussi à être admis dans un master, il est recommandé de déposer de nouvelles candidatures l’année suivante. En attendant la prochaine campagne de candidatures, il peut être bénéfique de profiter de cette “année blanche” pour effectuer des stages ou suivre des enseignements de diplômes universitaires, afin de renforcer son dossier de candidature. Bien que je sois conscient de la situation économique précaire de nombreux étudiants aujourd’hui, cette alternative peut représenter une opportunité de consolider leurs compétences et d’améliorer leurs chances de réussite. Il est important de garder à l’esprit que chaque parcours est unique et que différentes voies peuvent mener à l’atteinte de ses objectifs académiques et professionnels.

Le secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de Liberté nous parle des défis du milieu carcéral et du rôle de cette autorité administrative indépendante.

La surpopulation carcérale représente depuis de nombreuses années déjà un réel problème en France. Des solutions doivent indéniablement être trouvées notamment au niveau politique comme en atteste la condamnation de la France pour l’état de ses prisons par la Cour européenne des droits de l’Homme en 2020.

Ce sont trente-deux requêtes initiées par l’Observatoire international des prisons qui ont abouti à cet arrêt de première importance de la CEDH. Le premier recours qui a eu lieu en 2012 contre les conditions de détention de la maison d’arrêt des Baumettes (Marseille) avait été exercé à la suite d’un rapport alarmant du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Le CGLPL est une autorité administrative indépendante (AAI) dont la mission est de veiller à ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.

Le Secrétaire général du CGLPL, Monsieur André Ferragne nous parlera donc ici du rôle et de l’influence de l’AAI pour relever ces différents défis auxquels la France doit faire face.

1. Une présentation de votre parcours et de votre métier

J’appartiens à un corps ministériel d’inspection générale (Contrôle général des armées). J’ai été conseiller en cabinet ministériel (défense), chargé de fonctions d’expertise au secrétariat général du Gouvernement puis directeur des services administratifs et financiers du Premier ministre. J’ai également été contrôleur, contrôleur général, puis chef d’un groupe de contrôle au contrôle général des armées.  

Je suis aujourd’hui le secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Mon métier consiste à assurer l’administration et la coordination de cette institution et à seconder le Contrôleur général.

2. Pouvez-vous nous expliquer brièvement quel est concrètement le rôle du CGLPL ?

Le CGLPL est chargé de visiter les lieux dans lesquels des personnes sont privées de liberté par décision d’une autorité publique (prisons, établissements de santé mentale recevant des patients en soins sans consentement, centres de rétention administrative, centres éducatifs fermées, locaux de garde à vue) pour s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux.

Il adresse des recommandations en cette matière aux ministres concernés ; il est autorisé à rendre ses recommandations publiques.

 3. Quelles sont selon vous les causes majeures de la surpopulation carcérale ? Quels sont les principaux problèmes liés à cette surpopulation ?

Les causes de la surpopulation carcérale sont en premier lieu une aggravation globale des sanctions prononcées, en second lieu un nombre très important de courtes peines malgré les mesures prises pour tenter de les réduire et un recours massif à la détention provisoire. Les prisons sont également occupées de manière significative par des détenus atteints de troubles mentaux qui seraient mieux pris en charge en établissement de santé mentale.

Les conséquences de la surpopulation sont en premier lieu celles qui sont liées à la promiscuité : perte d’autonomie, atteintes à l’intimité, accroissement des violences et en second lieu celles qui résultent de la saturation globale des services pénitentiaires : limitation de l’accès aux soins et aux activités (travail, enseignement, activités liées à le réinsertion). La saturation des locaux entraîne également des difficultés d’accès à certains lieux, comme les parloirs, ce qui limite les relations des détenus avec leurs familles, ou à certains services comme les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Tout cela a pour effet de multiplier le nombre des « sorties sèches », quasi-systématiques pour les courtes peines, qui fragilisent la réinsertion et impliquent un risque élevé de récidive.

4. Quels liens faites-vous entre surpopulation carcérale, conditions de détention et réinsertion des détenus.

La surpopulation dégrade de manière directe et systématique les conditions de détention et a ainsi un impact négatif sur la réinsertion des détenus.

5. Pouvez-vous citer des exemples de solutions que l’on pourrait trouver pour remédier à ces différents problèmes ? (Que ce soient des solutions juridiques, pratiques etc.)

Il est nécessaire à court terme de revenir à un effectif de détenus compatible avec la capacité d’accueil des prisons. Cela avait été fait au printemps 2020 à la suite des ordonnances du 25 mars. Dans ce cadre, le cumul de la mise en pause des juridictions et des mesures de libération des détenus en fin de peine, a eu pour effet de faire baiser la population pénale de 13 000 en trois mois, et ce sans conséquence sur l’ordre public et la sécurité publique. Les prisons s’étaient retrouvées brièvement avec un effectif de détenus très légèrement inférieur à leur capacité d’accueil. C’est l’effectif auquel il faut revenir.

De manière plus durable, il faut mettre en place un système de régulation carcérale, géré par l’autorité judiciaire, consistant à examiner toutes les situations permettant de limiter le nombre des détenus à partir du moment où un établissement pénitentiaire approche de la barre des 100% de taux d’occupation. Il peut s’agir soit de différer des incarcérations, soit de hâter des libérations pour des détenus proches de leur fin de peine. Cette mesure doit être inscrite dans la loi car aucune autre règle ne peut s’imposer à l’autorité judiciaire. Sans cela aucune baisse de la population pénale ne pourra être durable.

En tout état de cause, la solution consistant à augmenter le nombre de places de prison est sans issue. L’histoire montre que même si le nombre de places de prison a doublé en 40 ans, la surpopulation également a crû pendant cette période. L’annonce de places nouvelles de prison crée systématiquement un appel d’air dont les conséquences se font sentir avant même que la construction ne soit effective.

6. En quoi les actions du CGLPL sont-elles réellement importantes pour faire face à tous ces problèmes, malgré l’absence de réel pouvoir de sanction ?  Quels sont vos moyens d’action ?

Le CGLPL dispose d’une influence intellectuelle et morale différente de celle d’un « pouvoir » au sens strict, qu’il soit d’injonction ou de sanction. À ce titre, la publication de ses travaux et opinions joue un rôle essentiel dans leur influence. La principale difficulté à laquelle le CGLPL est confronté est liée au fait qu’il porte souvent des idées qui vont à l’encontre de celles communément admises par l’opinion publique. C’est donc d’abord une œuvre de pédagogie qui doit être la sienne.

Les suites immédiates de la visite sont souvent très positives : avant même la publication d’un rapport, le compte-rendu oral qui est fait aux autorités locales leur permet d’identifier et de résoudre un nombre important de questions pratiques. On peut mentionner notamment l’exemple de la psychiatrie qui est un des plus encourageant dans la mesure où les équipes locales sont souvent très réactives est à cet égard.

Les principaux moyens d’action du CGLPL sont l’envoi de recommandations aux ministres ou au Parlement et la publication de ses rapports.

7. Pensez-vous que l’octroi à l’AAI d’un pouvoir de sanction équivalent à celui de l’Arcom par exemple serait nécessaire ? Pourquoi ?

Ce ne serait pas pertinent car le pouvoir de sanction de l’Arcom, de même que celui de nombreuses autres AAI n’est pas lié à leur statut mais à leur fonction de régulation d’un marché. Le rôle du CGLPL, contrôler l’État ou ses opérateurs, n’appelle pas ce type de compétence qui relève du juge administratif.

8. Pensez-vous que la condamnation de la France par la CEDH en 2020 pour les conditions considérées comme inhumaines et dégradantes au sein de ses établissements pénitentiaires était prévisible ?

Oui cette condamnation était prévisible en raison d’une part du caractère chronique de la surpopulation carcérale, d’autre part de l’indignité générale des conditions de détention dans certaines prisons, en particulier dans les maisons d’arrêt. Les rapports du CGLPL, qui pendant plus de dix ans avaient mis ces deux points en lumière, ont contribué à rendre la situation visible et à mettre en lumière son caractère inacceptable.

Propos recueillis par Lisa-Marie Rodriguez

Une gestion réparatrice de la détention impulsée par les politiques étrangères

La sécurité des biens et des personnes est une préoccupation publique majeure et un risque social omniprésent. Au fil des années, les politiques pénales ont dû s’adapter à l’évolution de la délinquance et la persistance de comportements infractionnels.

Le concept de désistance ou de “sortie progressive” de la délinquance.

Les priorités portées par les principales études françaises et le monde politique ont été l’entrée dans la délinquance et le passage à l’acte, la récidive et la persistance du comportement délictuel ou criminel, la production de la norme pénale et la réaction sociale.


On s’intéresse à la période précédant le comportement délictuel, notamment à travers la criminologie, ainsi que la sanction à apporter à cette transgression. En revanche, la France ne s’intéresse que trop peu aux phénomènes de sortie de la délinquance, de réinsertion et de probation, problématiques majeures de prévention de la délinquance.
Dès lors, le traitement des sorties de la délinquance émerge tardivement (19 et 20ème siècles).
La désistance, forgée aux États-Unis, bénéficie d’une définition dynamique, et non statique. Elle induit un processus graduel et non un état. “Les résultats démontrent que renoncer à une vie déviante n’est pas le résultat d’une décision unique et isolée, mais d’un processus de changement, caractérisé par des vacillations, des ambivalences et des rechutes temporaires mais de moins en moins fréquentes et gravesSonja Snacken, Présidente du Conseil de coopération pénologique du Conseil de l’Europe. Actes du colloque « L’exécution des décisions en matière pénale en Europe, du visible à l’invisible », Ministère Justice/DAP, décembre 2008.

L’arrêt total et brutal des actes délictueux est utopique, la sortie de la délinquance est composée d’arrêts temporaires et de rechutes au cours desquels la fréquence et le type de délinquance diffèrent.
Cela implique de déterminer précisément la notion de « sortie » ainsi que les seuils temporels auxquels elle correspond, et la sortie de quel type de « délinquance ».

Si certains chercheurs estiment qu’il y a désistance s’il y a absence complète du comportement délictuel, d’autres s’accordent à penser qu’une diminution progressive de la gravité et de la fréquence du comportement suffit. Il n’y a pas de motif unique expliquant les sorties de délinquance, ces dernières sont multifactorielles. Il existe des facteurs de risque de la délinquance tels que des problèmes de santé mentale, l’absence de soutien familial, l’endettement.

A contrario, certaines situations favorisent directement la désistance (l’âge, la maternité, la formation et le travail, l’expérience conjugale). Aussi, Martine Herzog-Evans, professeure de droit et de criminologie à l’université de Reims, a précisé l’impact de la prison sur la récidive : « Une peine n’a jamais a priori d’impact positif sur la récidive, car tout dépend de ce que l’on met en face de la mesure : une probation molle ? Une probation avec programme ? ».

La prison pourrait avoir ce rôle si la probation assurait un réel suivi, prenant en compte le parcours de délinquance et privé de l’individu afin de proposer un accompagnement adapté de resocialisation et d’abandon de la délinquance. Or, actuellement, le travail de probation n’est pas efficace, une simple rencontre une fois tous les deux mois avec le CPIP ne suffit pas pour engager un processus de désistance. Aussi, le rôle conféré aux associations socio-judiciaires est trop faible. Acteurs fondamentaux de la chaîne pénale, elles participent directement à l’exécution des peines en se trouvant au plus près des détenus. Toutefois, elles ne font l’objet que d’une simple mention dans les textes législatifs et ne sont pas dotées des moyens nécessaires pour avoir un réel impact dans les parcours de vie et la sortie de la délinquance.

Au Royaume-Uni, les associations disposent de véritables moyens. À travers un réel accompagnement, elles font participer les détenus à des activités productives. Par exemple, l’association Samaritans lutte contre les suicides en prison. Grâce à Storybook Dads, les détenus deviennent les monteurs informatiques des histoires et messages enregistrés par des parents à leurs enfants pour maintenir le lien familial. Pour Michel Foucault, la prison française est « une détestable solution dont on ne saurait faire l’économie ».

Inclure la prison dans le processus de désistance impliquerait de reconnaître à la peine, au-delà de sa fonction sanctionnatrice, une fonction de réinsertion. À ce titre, il faudrait mettre à disposition des moyens budgétaires, matériels et humains nécessaires à l’adoption de politiques de réinsertion pérennes. Or, le fonctionnement actuel de la prison ne lui permet pas de remplir ce rôle. Pour confirmer ces propos, le SDSE a relevé que 31 % des sortants de prison sont condamnés une seconde fois pour une infraction commise dans l’année suivant leur libération. De plus, il existe des particularités propres à la France qui entravent directement l’insertion professionnelle, par exemple l’importance accordée au casier judiciaire, ou le niveau de diplôme requis par certains employeurs.
A titre de comparaison, en Angleterre, un simple brevet est demandé.

Si l’étude de la désistance pourrait permettre de prévenir la récidive, ces deux termes complexes ne se confondent pas. La récidive est caractérisée s’il existe des condamnations antérieures. La désistance quant à elle, ne se fonde pas sur les condamnations antérieures, mais sur la situation personnelle du condamné, le « processus dynamique » englobant à la fois les données personnelles, financières, sociales ou encore psychologiques. En France, la loi pénitentiaire de 2009 constitue à la fois les prémisses et l’achèvement du traitement concret de ce phénomène. En effet, cette loi crée l’Observatoire de la récidive et de la désistance, définitivement installé en 2016.
Ses principales missions étaient la collecte d’informations, la recherche et l’analyse en matière de récidive et de désistance. De toute son histoire, un seul rapport a été rendu public, publié fin 2017.

Le rapport démontrait le lien entre la récidive et la désistance. Pour instaurer des politiques publiques efficaces, il préconisait une double-analyse centrée d’une part, sur l’évaluation « du casier judiciaire national, propre, […] à mesurer l’importance des populations en cause » et donc le taux de récidive, d’autre part, sur « des études des parcours individuels » pour mesurer la construction de la trajectoire des délinquants ou l’abandon de cette trajectoire.

Toutefois, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020 supprimera cette structure novatrice. Une occasion manquée pour la France de théoriser et d’expérimenter davantage la sortie de la délinquance.

La justice restaurative, mode de résolution des conflits ?

Les principales mesures de la justice restaurative ont été développées dans les années 1970 au Canada.
L’article 10-1 du CPP, modifié par la loi Taubira, définit la justice restaurative comme : « toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission ».

La circulaire du 15 mars 2017 précise qu’elle vise à « restaurer le lien social endommagé par l’infraction, à travers la mise en œuvre de différentes mesures associant la victime, l’auteur et la société. Elle est conçue pour appréhender l’ensemble des répercussions personnelles, familiales et sociales liées à la commission des faits et participe ainsi, par l’écoute et l’instauration d’un dialogue entre les participants, à la reconstruction de la victime, à la responsabilisation de l’auteur et à l’apaisement, avec un objectif plus large de rétablissement de la paix sociale ».

L’objectif est d’apporter une réparation autre que financière, d’ordre humanitaire et sociale. Un apport complémentaire à la justice pénale traditionnelle qui ne peut, à travers la peine sanctionnatrice quand bien même nécessaire, apporter cette dimension sociale réparatrice.
Une ambition nouvelle poursuivant le triple-objectif de satisfaire les intérêts de la victime, de l’auteur et de la société.

Une dimension sociale qui concorde avec le Code pénal. En effet, pour rappel, l’article 130-1 du CP assigne deux fonctions cumulatives à la sanction pénale : sanctionner l’auteur et favoriser son insertion ou sa réinsertion. Aussi, l’article 132-19 du CP qui prévoit, en matière délictuelle, le prononcé d’une peine d’emprisonnement en dernier recours. Enfin, la LPJ et la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire recommandent aux juges, dans certains cas, de développer le prononcé de peines alternatives ou d’aménagement de la peine.

Toutes ces dispositions concordent avec l’esprit de réparation et de dialogue de la justice restaurative, puisque l’insertion et la réinsertion passent par la triple-réparation de l’auteur, de la victime et de la société.

Le deuxième objectif poursuivi par la justice restaurative, concordant également avec les récentes réformes, est la prévention de la récidive. En effet, l’accompagnement proposé doit permettre la prise de conscience de l’auteur de la gravité de ses actes et de le responsabiliser afin qu’il soit conscient des règles qu’implique la vie en société.
Par exemple, dans le cadre du cercle de soutien et de responsabilité, le but est de proposer de manière temporaire à l’auteur un réseau social, et de l’aider à créer son propre réseau de manière durable et ainsi de favoriser sa réinsertion sociale.

En France, la médiation est pratiquée uniquement dans le cadre pré-sentenciel, pour des infractions moyennement graves telles que le vol, les conflits familiaux, les dégradations.

Certains mouvements sont impulsés afin de développer davantage la justice restaurative aux côtés de la justice pénale traditionnelle. Par exemple, France Victimes, fédération française regroupant 130 associations d’aide aux victimes propose des formations en ligne en la matière ayant pour but de responsabiliser l’auteur et de restaurer la paix sociale.
Un partenariat avec le SPIP de la maison centrale de Poissy a été conclu afin d’organiser des rencontres entre détenus et victimes à cet effet. Aussi, en 2017, le TGI de Lyon a sélectionné plusieurs dossiers pour lesquels il souhaitait mettre en œuvre une mesure alternative à travers la médiation pré-sentencielle.

Une rencontre entre auteurs et victimes, encadrée par un tiers professionnel et les avocats des parties. Le prononcé de la mesure pré- sentencielle avait pour but de faire prendre conscience aux auteurs des conséquences de leurs actes. Cependant, sur 15 dossiers, seuls deux ont débouché sur une rencontre, les victimes et les magistrats étant trop réticents au développement de ce type de mesure.

Enfin, l’Institut français pour la justice restaurative va mener une expérimentation à la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans le but de permettre aux parties d’ouvrir « un dialogue volontaire […] confidentiel et sécurisé afin d’échanger autour des répercussions
vécues »
. Une journée de présentation de l’expérimentation a lieu le 16 juin 2022.

Si la justice restaurative paraît être un mode positif de résolution des conflits, notamment en Australie, Nouvelle-Zélande et au Canada, des raisons culturelles expliquent la difficile implantation de cette pratique en France.
Tout d’abord, la place considérable accordée à la victime dans le procès pénal. Notre droit est marqué par la nécessité d’empêcher une pression sur les victimes.

L’article 144 du CPP prévoit les cas dans lesquels une détention provisoire peut être ordonnée ou prolongée, notamment : « empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ». L’article 138, 9°, du CPP permet d’astreindre au CJSE l’obligation de : « s’abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ».

D’autres raisons ont été mises en avant par des autorités judiciaires.
Il y a notamment « le risque de banalisation du traitement judiciaire » et « la perte d’efficacité du modèle de sanction ». Il y a également la crainte d’une perte d’autorité étatique au profit des associations et des professionnels de la justice restaurative. Enfin, la question du financement des mesures de justice restaurative, « notamment du point de vue des moyens humains ».
Toutes ces raisons incarnent une vision désolante de la justice, qui au-delà de l’aspect punitif doit garantir la cohésion sociale et la place de chacun : auteur comme victime. « La peine prononcée par le juge, elle l’est au nom du peuple français, elle doit réparer un mal causé à la communauté et pour cela être lisible précisément pour que la communauté estime que le mal est réparé ». Emmanuel Macron, visite à l’ENAP le 6 mars 2018.

Cette notion de « réparation » n’est pas intégrée par les juridictions pénales et par certains acteurs qui la composent. Une enquête menée par l’Institut français pour la justice restaurative en France pour l’année 2020 a recueilli les avis de professionnels (juristes, CPIP, DPIP) mettant en lumière les freins à son expansion en France. L’influence de la justice restaurative sur le système de justice est soumise à la connaissance de cette dernière « par les acteurs du système judiciaire du début à la fin de la chaîne pénale, du policier au magistrat en passant par l’avocat et le surveillant de prison ». Si cette pratique traditionnelle a démontré son impact positif dans les pays anglo-saxons, elle devrait être érigée au rang des réponses pénales réparatrices en France. En pratique, ces dispositifs sont peu connus, faute d’intégration dans les formations ou à l’école de la magistrature, et a fortiori ne peuvent être intégrés dans notre système judiciaire.

Marie GLANTZMANN

Membre de Juristes d’avenir, titulaire d’un Master 2 Droit public, mention Sécurité Intérieure

Témoignage sur la réforme des masters de Charline, étudiante de 23 ans.

Propos recueillis par Julia DEFLANDRE.

1. Une présentation de votre parcours et des matières privilégiées

J’ai effectué mes années de licence à Grenoble dans laquelle j’ai été diplômé en juin 2022 d’une licence en droit privé avant de faire un diplôme des métiers du notariat.

2. Votre retour d’expérience de la sélection en master (expérience personnelle et/ou celle de vos camarades)

Une chose est sûre, la sélection en master est stressante, mais il faut savoir prendre du recul dessus. Pour ma part, j’ai réussi à prendre de la distance puisque pendant les demandes mon esprit a été rapidement occupé entre les cours et les révisions de partiel.
La finalité n’a pas été la meilleure pour moi car je n’ai pas eu de master mais j’ai pu trouver une alternative afin de continuer mon parcours en intégrant l’institut national des formations notariales. Cependant, il ne faut pas avoir peur de ne pas avoir de master puisque de nombreux camarades de TD ont été accepté dans un master.

3. Selon vous, quels sont les éléments indispensables à faire apparaître dans la lettre de motivation ? et ceux à éviter ?

Selon moi, les deux éléments qui sont indispensables sont avant tout de mettre en avant ses expériences professionnelles qui sera toujours bien vu auprès des maîtres de master. Mais surtout bien expliquer pour quelle raison on souhaite intégrer ce master spécifique. Il faut expliquer pourquoi ce master nous permettrait d’intégrer la profession que l’on souhaite faire et pour quelle raison on souhaite partir dans ce domaine.


Quant aux éléments à éviter je dirai tout d’abord de ne pas respecter les règles de forme de la rédaction de la lettre de motivation avec par exemple une lettre pas synthétique ni personnalisée. Il est important aussi de ne pas ajouter de plus-values par rapport au CV puisque dans la Lettre de motivation, il ne faut pas simplement dire « j’ai fait tel stage et telle expérience », il faut démontrer en quoi ce stage ou cette expérience sera un atout tant pour le master que pour se rapprocher de notre objectif professionnel.

4. Selon vous, quelles sont les expériences à privilégier pour valoriser son CV ?


Stages, job étudiant, associations… tout ce qui montre que nous avons fait autre chose pendant nos années de licence qui pourrait nous sortir du lot. On peut aussi mettre en avant nos centres d’intérêts personnels si cela à un lien avec le master demandé, certains maîtres de master peuvent avoir des points en communs avec vous sur ce que vous aimez.

5. Effectuer un stage est-il indispensable pour être admis en master ?

Ce n’est pas indispensable mais fortement conseillé. Les stages permettent de s’assurer de notre futur voie professionnelle et de montrer notre cohérence avec le master demandé. Cependant, je connais plusieurs personnes qui ont été admise en master sans avoir pour autant fait de stages donc ça reste un plus.

6. Un étudiant a t-il ses chances d’être pris en master malgré des mauvaises notes ? des rattrapages ? un redoublement ?


Selon moi, tout le monde a ses chances mais il faut être conscient que cela sera plus difficile d’obtenir des réponses positives. Il ne faut cependant pas perdre espoir, j’ai des camarades qui ont été admise en master avec un redoublement.

7. Dans combien de Master faut-il candidater selon vous ?

Pour moi il n’y a pas de nombre idéal. En plus avec la nouvelle réforme les demandes sont maintenant limitées limitées. Il est nécessaire de faire des choix judicieux et être en cohérence avec son parcours et son projet professionnel afin de ne pas avoir de regret par la suite. Il ne faut cependant pas demander tout et n’importe quoi, au risque d’être accepter uniquement dans un master qui ne nous plaît pas du tout et prendre la place de quelqu’un pour qui c’était important.

8. Comment présenter son projet professionnel dans la lettre de motivation ?

À mon sens, il faut faire une petite accroche en indiquant que l’on veut poursuivre ses études et pourquoi. À partir du « pourquoi » on présente son projet professionnel et on démontre pourquoi le master choisi correspond à notre projet.

9. Comment mettre en avant son intérêt pour le master dans la lettre de motivation ?

Ma réponse va rejoindre la précédente puisque il faut des liens et une cohérence dans la lettre de motivation. L’intérêt du master va de pair avec notre projet professionnel, on choisit ce master car on veut accéder à une profession spécifique.
Je conseille également de parler des matières proposées par le master et de l’intérêt qu’on leur porte.

10. Conseillez-vous d’inclure une lettre de recommandation dans le dossier de candidature ?

C’est tout un grand débat. Certains disent que oui et d’autres non. Pour ma part, j’ai inclus des lettres de recommandation suite à mes stages ça reste un plus même si de nombreux maîtres de master ne les acceptent pas.

11. Si vous aviez un dernier conseil à donner aux étudiants pour réussir l’épreuve de la sélection, lequel serait-il ?

Faire lire, relire et encore lire vos lettres de motivation et CV par vos proches. Il faut commencer à rédiger vos lettres tôt afin de ne pas être surchargé et paniqué à l’ouverture du dépôt des candidatures. On ne va pas se mentir les notes sont importantes pour les directeurs de master donc faites de votre mieux au niveau des TD et révision et ça ira 🙂
J’aimerais aussi parler pour ceux qui auront des réponses négatives (comme j’ai pu avoir) : il faut prendre du recul au moment des résultats, les réponses négatives ne définissent pas votre valeur. Et enfin, si la finalité n’est pas celle que vous espérer c’est qu’il y a quelque chose de meilleur qui vous attend, il y a toujours une alternative pour continuer à se rapprocher de son objectif professionnel comme ce fut le cas pour moi.

La nouvelle plateforme pour la sélection aux Masters selon le Doyen Florent Petit de la Faculté de droit de Caen Normandie

Florent Petit a effectué toutes ses études de droit à Caen. Il a eu un parcours classique et a ainsi réalisé un DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies) de droit privé. « La vocation au tripartisme du contrat de transport de marchandises » est la thèse qu’il a soutenue en 2005 à Caen, sous la direction de Jocelyne Vallansan. 

Suite à sa thèse, il a été maître de conférences dans le département LEA (Langues Etrangères Appliquées), puis professeur depuis 3 ans, dans plusieurs domaines, dont le droit fiscal des affaires et le droit commercial. Enfin, il est devenu le Doyen de la Faculté de droit, administration économique et sociale et administration publique, de l’Université de Caen Normandie, depuis un an et demi. 

Florent Petit nous renseigne énormément et souligne les différences avec l’ancien système en plus des avantages et inconvénients de cette nouvelle plateforme. Il prodigue également des conseils aux étudiants concernant cette nouvelle plateforme dont les places sont plus limitées. Notamment le fait de se renseigner directement auprès des directeurs de Master des attentes qu’ils ont concernant les dossiers des étudiants.

  1. En quoi consiste la nouvelle réforme concernant les Masters ? 

La réforme va seulement modifier la plateforme de sélection. La sélection s’opère déjà à l’entrée du Master 1 et plus à l’entrée du Master 2 depuis plusieurs années. 

Avant cette nouvelle réforme, les étudiants en Licence 3 pouvaient candidater, sans restriction, sur l’ensemble des masters proposées en France, de manière dématérialisée. Le résultat était que chaque Masters recevait énormément de candidatures. Par exemple, à Caen, certaines formations obtenaient plus de 1500 candidatures. Et dans ces candidatures, certaines étaient prises seulement par assurance, dans le cas d’un refus dans l’université voulue en priorité.

Cette augmentation des candidatures est également due au fait que la plupart des concours et examens professionnels, notamment celui du CRFPA, afin de devenir avocat, peuvent s’obtenir qu’à la suite d’un Master 1. Ainsi, lorsque la sélection se passait entre le Master 1 et le Master 2, les demandes étaient moindres puisque certains choisissaient d’effectuer les concours.

Ainsi, si cette nouvelle réforme limite le nombre de candidatures, elle vise surtout à améliorer le traitement des candidatures, pour offrir aux étudiants une réponse plus rapide qu’auparavant et permettre à chaque étudiant d’être fixé avant l’été sur le master qui l’accueillera.

Dans cette nouvelle plateforme nommée « Mon Master », il sera possible de candidater dans 15 Masters pour les formations initiales et 15 Masters pour les formations en alternance. Les décomptes sont au niveau de la mention et pas du parcours. 

2. Dans combien de Masters est-il possible de candidater ?

Par exemple à Caen, le Master droit des affaires est divisé en deux parcours : un parcours DJCE et un parcours Contrat et contentieux des affaires. Et il sera possible de candidater pour les deux parcours et cette candidature comptera pour un vœu. Donc, il existe des sous-vœux qui compte pour un seul vœu. Ce système est similaire à Parcoursup. 

3. Pouvons-nous candidater plusieurs fois dans une même université, mais pour des parcours différents ? Y a-t-il un nombre de masters maximum par université dans lesquels nous pouvons candidater ?

Sur les anciennes plateformes E-candidat, certaines universités limitaient leurs nombres de candidatures. Par exemple, les étudiants, ne pouvaient pas candidater à plus de 3 Masters dans une même université. 

Sur la nouvelle plateforme « Mon Master », a priori, il n’y aura plus ce nombre de choix limité. Il sera possible de candidater dans autant de mentions de Master souhaité dans une même université. (toujours, dans la limite des 15 candidatures maximale dans les Masters faisant partie de la formation initiale et ceux de la formation en alternance) 

Il est tout de même conseillé de déposer des candidatures dans plusieurs établissements, ne serait-ce que pour garantir la possibilité de saisir le Recteur (saisine rectorale) si aucune des candidatures n’est retenue.

4. Quels sont les principaux critères de sélection afin d’accéder à un Master ? Les activités extra-universitaires, sont-elles valorisées ?

Les critères de sélection afin d’accéder à un Master sont variables. Chaque responsable de master va avoir ses propres attendus qui peuvent être consultés sur la plateforme monmaster.gouv.fr.

Le premier critère sera lié au(x) cursus antérieur(s) de l’étudiant, notamment au niveau des notes. En fonction du niveau des candidatures, les notes attendues seront plus ou moins élevées et le niveau attendu sera différent. Ainsi, le niveau de recrutement va varier d’une année à une autre, puisque c’est en fonction des candidats qui vont se présenter. 

Le deuxième critère va se fonder sur le contenu académique, qui est un élément important. Pour le parcours académique demandé, certaines matières vont être importantes. Il est nécessaire que son parcours académique ait une cohérence avec le Master. Par exemple : pour le Master droit des affaires, avoir étudié le droit des obligations, le droit des contrats, le droit des sociétés est très important puisque sans ces matières, il sera beaucoup plus difficile d’étudier les matières du Master concerné. 

Le troisième critère concerne toutes les expériences professionnelles, telles que les stages ou les contrats de travail en lien avec les études et le projet professionnel final. 

Les conditions d’études sont aussi un critère pris en considération pour certains directeurs de Master. Lorsqu’un étudiant a un contrat de travail en même temps que ses études et qu’il a réussi ses études malgré une difficulté supplémentaire, cela peut être valorisé. 

Enfin, la motivation est prise en compte. Il y a, selon le Doyen Florent Petit, une triple motivation. La première concerne la poursuite d’études et le projet professionnel, qui doivent correspondre au Master concerné. La deuxième motivation concerne le fait de savoir pourquoi intégrer cette formation en particulier. Actuellement, il existe énormément de Masters qui se ressemblent. Par exemple : pourquoi aller dans ce Master de DJCE à Caen et ne pas aller dans un autre Master ? Enfin, la dernière motivation concerne le contenu de la formation. C’est-à-dire, de souligner quelles matières nous intéresse puisque ça montre que l’étudiant s’est renseigné sur le Master. 

5. Selon vous, quels sont les avantages et inconvénients de cette nouvelle plateforme ? 

Les inconvénients de l’ancienne plateforme reposaient sur le traitement de dossier trop important, avec des candidatures par défaut qui parfois ont de bons dossiers, mais qui ne viendront pas. A Caen, cet inconvénient pesait sur l’équipe administrative et l’équipe enseignante. Le travail était colossal, car, par exemple, pour 1500 candidatures, ces dernières devaient être traitées dans un délai très court d’un mois.

Ainsi, le premier avantage de cette nouvelle plateforme serait en théorie d’obtenir moins de candidatures, ou des candidatures réellement intéressées par le Master en question. Le fait de limiter les candidatures semble être un avantage car il permet d’éviter que des étudiants candidatent sans réelle envie de donner suite à leur candidature si elle est acceptée. 

Pour l’étudiant, il y a la crainte de ne pas trouver le Master de son choix. Le conseil qui peut être donné est de se renseigner auprès des directeurs de formation directement, que ce soit envers ses propres directeurs de Master ou ceux d’autres universités, notamment sur le niveau moyen habituel (dont les notes) des dossiers, les attendus habituels des dossiers, pour évaluer les chances de sélection. Les directeurs vont leur prodiguer des conseils et des éléments pour anticiper. Certains directeurs de Masters diront qu’ils n’acceptent pas des dossiers dont les notes sont inférieures à 12 par exemple, et à ce moment-là, l’étudiant qui ne remplit pas cette condition ne perdra pas un vœu sur ses 15 disponibles puisqu’il anticipera que ce Master en question ne le prendra pas. 

Il ne faut pas avoir peur, car tous les candidats, qui ont des dossiers corrects, avec un niveau minimum permettant de garantir que le Master 1 et 2 soit obtenu, obtiennent un Master.

A l’université de Caen, les responsables de master ont conscience qu’une partie des étudiants en Licence de droit vont poursuivre leurs cursus à Caen et qu’une autre partie va choisir de poursuivre son parcours dans une autre université. L’ offre de master est dimensionnée avec l’objectif de prendre une grande partie des étudiants en troisième année de Licence, mais aussi les étudiants d’autres universités.

Un autre avantage de la nouvelle plateforme : tous les étudiants qui recevront un avis favorable seront classés sur une liste. Dans un master limité à 25 places, l’étudiant classé à la 26e place devra attendre qu’une place se libère pour être accepté. L’avantage, c’est que c’est la plateforme qui gérera le flux des places et appellera automatiquement les étudiant sur liste d’attente. L’ étudiant qui reçoit plusieurs réponses favorables aura au début quelques jours pour accepter ou refuser la proposition puis très rapidement 24h..S’il attend encore des réponses (il est sur liste d’attente pour une autre formation), il pourra conserver un choix et remettre à plus tard sa décision d’intégrer ou non le master. 

Par exemple : si l’étudiant est reçu dans une mention et l’accepte, mais que deux jours plus tard, il est reçu dans une autre mention qu’il préfère, alors il peut changer son premier choix pour cette seconde admission et de ce fait libérer une place mise en attente sur la première mention.

Ainsi, un des avantages de cette nouvelle plateforme est qu’elle va accélérer le traitement de leur situation pour savoir s’ils ont une place dans le Master ou non. Cela permettra donc aux candidats d’être plus rapidement fixés qu’auparavant et de mieux préparer leur rentrée 2023/2024.

6. Êtes-vous favorable à cette sélection ? 

La sélection en Master, en termes d’organisation, est importante. Sans sélection, les étudiants se tourneraient tous vers les mêmes mentions. Le but n’est pas de bloquer les rêves des étudiants, mais d’être en phase avec la réalité des exigences, des niveaux des formations exigés. C’est également une manière de répartir les étudiants en fonction des besoins des professionnels et d’être en phase avec les besoins du marché du travail. Et en termes d’organisation, on sait qu’il y a un effectif prévu avec un nombre limité de places donc cette sélection permet d’éviter un afflux trop important d’étudiants alors que le nombre de places ne correspond pas à cette capacité d’accueil. Finalement, la règle qui s’appliquerait serait premier inscrit, premier servi, ce qui ne serait pas une bonne solution. Si aujourd’hui, il est possible de maintenir une offre de formation de qualité, c’est parce qu’on a la confiance des professionnels, qui s’apprécie à la fois sur la qualité de la sélection, des exigences de la formation et des partiels de fin d’année, et c’est cela qui permet une meilleure intégration professionnelle qui est de 100% à Caen notamment.  

7. Sur quelle période se déroulera la sélection ? 

L’ouverture de la plateforme est le 1er février 2023. Du 22 mars au 18 avril 2023 les candidats vont pouvoir candidater dans les Masters qu’ils souhaitent intégrer, ce sera la phase de candidatures. 

Ensuite, du 24 avril au 16 juin 2023, il y aura l’examen des candidatures par les établissements.

Du 23 juin au 21 juillet 2023 il y aura la communication des résultats, c’est-à-dire que l’étudiant va obtenir l’information s’il a été admis ou non dans la mention concernée, ce sera la phase d’admission. S’il accepte une proposition, il sera désisté de toutes ses autres candidatures et devra s’inscrire. La finalisation se fera après les vacances d’été avant la fermeture des établissements pour les dernières inscriptions. 

Avant cette nouvelle plateforme « Mon Master », certaines universités avaient recours à une seconde phase d’admission, concernant certaines mentions, où il était possible de prendre des étudiants supplémentaires. Cela permettait aux étudiants non admis d’être finalement admis grâce à cette seconde campagne. 

Néanmoins, sur cette nouvelle plateforme « Mon Master », en théorie, il n’y aura pas de seconde campagne pour le moment. Toutefois, il existe la saisine rectorale pour l’étudiant n’ayant pas été admis. 

8. Que doit faire l’étudiant qui se retrouvera sans admission ?

L’étudiant qui se retrouve sans admission aura une phase de « rattrapage » qui est dite « de saisine rectorale ». En effet, l’étudiant n’ayant reçu aucune admission pourra saisir le recteur qui va transmettre l’ensemble du dossier aux universités. Le recteur va ainsi offrir d’autres propositions de Master à l’étudiant, selon l’avis des universités. La procédure est spécifique et sera expliquée par les différents établissements. L’objectif principal de cette plateforme est d’intégrer l’étudiant après la campagne. Néanmoins, elle se fait dans un second temps puisqu’elle se passe après la première phase de campagne. Ainsi, ce sera seulement s’il reste des places après la phase de campagne que l’étudiant aura une chance d’être pris. 

Les enjeux du milieu carcéral vus par Julia Schmitz : focus sur le rôle important joué par le contrôleur général des lieux de privation de Liberté.

À la fin de l’année 2022, la population carcérale en France a atteint un de ses niveaux les plus hauts. Avec plus de 72 800 détenus dans les prisons françaises, le taux d’occupation carcérale en France est aujourd’hui de 120 %, contre 115,4 % il y a un an. Dans une récente tribune publiée sur le quotidien le Monde on peut même lire que « cinquante-six prisons françaises affichent une densité supérieure à 150 % et celle-ci dépasse même 200% dans six établissement ». Ces données témoignent des nombreux problèmes qui existent en France au niveau du milieu carcéral, problèmes liés et engendrés en grande partie par cette problématique de la surpopulation carcérale. Des solutions doivent indéniablement être trouvées notamment au niveau politique comme en atteste la condamnation de la France pour l’état de ses prisons par la Cour européenne des droits de l’Homme en 2020.

Forte d’une grande expertise face à ces thématiques, la Maître de conférences en droit public et chercheuse en droit Julia Schmitz abordera ici les thématiques de la surpopulation carcérale et la réinsertion des détenus. En passant par leurs causes et conséquences, elle évoquera également de possibles solutions pour faire face à ces deux problématiques qui représentent de réels enjeux, notamment en France.

1. Une présentation de votre parcours et de votre métier

Après avoir soutenu ma thèse de doctorat consacrée à la théorie de l’institution du Doyen Maurice Hauriou, je suis devenue Maître de conférences en droit public à l’Université Toulouse Capitole.

J’enseigne différentes matières de droit public comme le droit constitutionnel, le droit international, le droit des libertés fondamentales, le droit européen des migrations et de l’asile ou le droit pénitentiaire, auprès de publics différents, étudiants comme professionnels en formation continue.

Quant à mes travaux de recherche, ils se sont poursuivis sur l’analyse de l’Etat de droit à travers l’étude du discours du juge et du droit des libertés. Je m’intéresse plus particulièrement à des domaines juridiques particuliers, au croisement de plusieurs disciplines, tels que les droits d’exception, le droit des étrangers et le droit pénitentiaire.

Dans ce dernier domaine, mes recherches ont récemment porté sur les spécificités juridiques et contentieuses de l’espace carcéral, pour étudier le droit à la réinsertion des personnes détenues (J. Schmitz (dir.), Le droit à la réinsertion des personnes détenues, Ed. Varennes, « Colloques et Essais », 2017), le droit du travail pénitentiaire (M.-C. Amauger-Lattes, J. Schmitz (dir.), La relation de travail en détention : enjeux et perspectives juridiques, IFJD, 2022), ainsi que le dualisme juridictionnel et ses enjeux en termes d’accès au juge par les personnes détenues. Je participe également au projet de recherche « Acceptation sociale de la restriction des libertés dans le contexte de la pandémie de Covid-19 » dans le cadre duquel j’ai constitué une équipe avec deux chercheurs de l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire pour analyser la gestion de la crise sanitaire au sein des établissements pénitentiaires.

En 2021, j’ai créé un diplôme universitaire de droit pénitentiaire en partenariat avec la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires de Toulouse, l’École Des Avocats Sud-Ouest Pyrénées et l’École Nationale d’Administration Pénitentiaire. Ce diplôme vise à répondre à un double besoin de formation : celui des professionnels de l’administration pénitentiaire, des intervenants extérieurs ou des professionnels de la justice, et celui des étudiants qui souhaitent préparer les concours pénitentiaires ou compléter leur cursus universitaire. Les séminaires sont assurés par des universitaires, des magistrats, des avocats, des observateurs extérieurs et des personnels de l’administration pénitentiaire et proposent une vue transversale et actualisée du droit pénitentiaire, droit en constante évolution et qui fait l’objet d’un contentieux grandissant.

2. Pourquoi avez-vous eu cette idée d’organiser des colloques pour parler de la surpopulation carcérale et de la réinsertion des prisonniers ? En quoi ce sont des enjeux importants selon vous dans la société actuelle ?

« Une société se juge à l’état de ses prisons ». Cette affirmation de Camus est pleine de sens pour un juriste. La manière dont s’exerce le droit de punir dans une société est le reflet de l’état de notre Etat de droit, ce qui intéresse les professionnels de la justice et de l’institution pénitentiaire, mais aussi de manière générale les étudiants et les citoyens.

En effet, le concept d’Etat de droit implique de rendre effectif les droits et libertés reconnus aux individus en toutes circonstances, y compris lorsque l’on prive une personne de sa liberté individuelle. Hormis la liberté d’aller et venir, les autres droits et libertés ne doivent, en principe, pas être impactés par cette situation de privation de liberté.

De plus, depuis la révolution française, une question récurrente se pose : « à quoi sert la prison et quel est le sens de la peine? ». Si le droit pénal s’est humanisé et vise non pas tant à punir qu’à protéger la société, comment éviter la récidive sans chercher à insérer et réinsérer la personne qui s’est vue condamnée à une peine de prison? C’est d’ailleurs le double objectif fixé par l’article 707 du Code de procédure pénale : « préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d’éviter la commission de nouvelles infractions ».

Si la doctrine juridique s’interroge depuis longtemps sur le paradoxe consistant à exclure une personne de la société aux fins de la réinsérer, le pouvoir politique s’est également saisi de la nécessité de transformation du service public pénitentiaire et de son ouverture sur la société civile, comme en témoignent les nombreuses réformes pénales et pénitentiaires. Or, un constat alarmant et récurrent sur l’état des prisons est fait depuis de nombreuses années conduisant à remettre en cause l’utilité de cette peine. En 2000, des sénateurs parlaient d’une « humiliation pour la République ». En 2022, même après la grande réforme pénitentiaire de 2009, un rapport parlementaire d’enquête a souligné les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, faisant état du phénomène structurel de la surpopulation carcérale et des insuffisances des activités de réinsertion.

Plusieurs fois condamnée par les juges, européen et nationaux, l’administration pénitentiaire qui s’est vue confier des missions toujours plus importantes en matière de réinsertion des personnes dont elle a la garde, se situe au bout de la chaîne pénale, et ne peut dès lors agir seule sur les défaillances du système carcéral. Le juge administratif est en effet venu maintes fois rappeler que l’administration pénitentiaire « est tenue d’accueillir, quel que soit l’espace disponible dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou ». Lieux d’échange et de dialogue entre les différents acteurs de la politique pénale et pénitentiaire, les colloques universitaires permettent alors de nourrir la réflexion entre l’administration pénitentiaire, les juges, les avocats, et les parlementaires sur ces problématiques dans une démarche d’analyse mais aussi de proposition.

3. En quoi la présence du contrôleur général des lieux de privation de Liberté (CGLPL) vous semblait importante pour parler de ces thèmes ? En quoi le rôle de cette Autorité administrative indépendante (AAI) est important malgré l’absence de pouvoir de sanction ?

Créée en 2007, le CGLPL a désormais 15 ans d’existence, ce qui lui confère un regard éclairé et global sur la situation des prisons françaises. Compétente pour contrôler l’ensemble des lieux privatifs de liberté, elle déploie en outre une analyse transversale et critique.

Si cette AAI ne dispose pas du pouvoir de contraindre le gouvernement ou un établissement pénitentiaire à se réformer, elle a su développer des stratégies de persuasion pour une évolution du cadre juridique et matériel de l’institution pénitentiaire. Inlassablement, le CGLPL rend compte de ses visites et de ses analyses auprès du public, et fait part de différentes manières de ses recommandations aux pouvoirs publics : tribunes dans la presse, communiqués sur son site internet, courriers adressés aux ministres, recommandations en urgence, rapports et avis publiés au Journal officiel. Les observations de cette Autorité sont aujourd’hui retenues par les juridictions nationales et européennes.

Dans son arrêt J.M.B. c. France du 31 janvier 2020, le juge européen s’est ainsi fondé sur les rapports de visite établis par le CGLPL dans de nombreux établissements pénitentiaires pour conclure à la violation par la France de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits et libertés fondamentaux relatif au droit à ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants. Le juge souligne ainsi que « la France figure parmi les États européens dont les prisons sont les plus surpeuplées et dont la population carcérale augmente […] Sur les huit pays qui continuent de rencontrer des problèmes graves de surpopulation carcérale, la France figure en troisième position ». Le contrôle exercé par le CGLPL, relayé par la condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme a permis de mettre au grand jour le phénomène de la surpopulation structurelle des prisons françaises.

Récemment encore, c’est également en s’appuyant sur l’expertise du CGLPL que le juge administratif a qualifié les conditions de détention dans plusieurs établissements pénitentiaires comme à Toulouse, Bordeaux ou encore à Nanterre d’indignes, exposant les personnes qui y sont soumises à « un traitement inhumain ou dégradant », constituant ainsi « une atteinte grave à une liberté fondamentale ».

4. Quels sont selon vous les causes majeures de la surpopulation carcérale ? Quelles sont les principaux problèmes liés à cette surpopulation ?

Les causes de la surpopulation carcérale sont multiples. On peut néanmoins mettre en évidence deux types de facteurs, relevant de la politique pénale ou pénitentiaire.

Le premier réside dans la mise sous écrou due à la législation pénale telle qu’elle est aujourd’hui pensée, avec l’existence de procédures de comparution immédiate, la multiplication des infractions et des courtes peines de prison. De plus, le « réflexe carcéral » des juges les conduit à ne pas recourir aux peines alternatives ou aux aménagements de peine et à incarcérer ou maintenir en détention des personnes souffrant de troubles mentaux, des personnes âgées ou en situation de handicap. Tout cela contribue à l’augmentation du nombre de placements en détention provisoire et de condamnations à de la prison ferme.

Le second facteur est lié à l’état du parc pénitentiaire lui-même avec des établissements vétustes et inadaptés à l’accueil de la population carcérale, et une inégalité d’implantation territoriale qui ne correspond pas à la socio-démographie de la délinquance. Il est à noter que ce sont essentiellement les maisons d’arrêt accueillant les personnes en détention provisoire et les courtes peines qui subissent ce phénomène, avec des taux moyens de densité carcérale aux alentours de 140%, dépassant les 200% dans certains établissements.

Comme l’a rappelé le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2018 consacré à la surpopulation carcérale, les conséquences ne sont pas seulement d’ordre matériel. Si la surpopulation conduit à des conditions matérielles indignes avec des cellules occupées par 3 ou 4 personnes, des matelas au sol, et des infrastructures sanitaires insalubres et sans intimité, c’est également l’ensemble du fonctionnement d’un établissement pénitentiaire et de sa mission qui sont impactés. On peut notamment faire le lien avec la remise en cause des activités de réinsertion, la détérioration de l’accès aux soins ainsi qu’un climat de violence et des conditions de travail dégradées pour le personnel pénitentiaire et toutes les personnes qui interviennent en détention : intervenants sociaux, enseignants, avocats, soignants…

5. Quelles sont les solutions que l’on pourrait trouver pour remédier à ce problème ? (que ça soit des solutions juridiques/pratiques etc.)  Que pensez-vous notamment de la proposition de loi émanant du Sénat et visant à mettre fin à la surpopulation carcérale ?

La crise sanitaire a paradoxalement été l’occasion de démontrer qu’une politique volontariste pouvait mettre fin rapidement au surpeuplement des prisons françaises. L’ordonnance de la Garde des sceaux Nicole Belloubet du 25 mars 2020 a mis en œuvre plusieurs mesures d’urgence pour vider les prisons : autorisation des affectations et transferts des personnes détenues dans des établissements moins peuplés, assouplissement des procédures de réduction de peine, de permission de sortie ou de libération conditionnelle, réductions de peine supplémentaires exceptionnelles, libération anticipée en assignation à domicile… Il est cependant nécessaire de souligner que cette ordonnance a dans le même temps prévu une prolongation automatique des délais de détention provisoire afin de limiter les audiences et les contacts, dispositif qui s’est avéré contraire aux principes du droit pénal.

Toujours est-il qu’entre mars et mai 2020, la population carcérale a diminué de 13 500 détenus. Ce dispositif n’était malheureusement que temporaire et dès l’été 2020, les chiffres sont remontés. Depuis le 1er décembre 2022, la France a atteint un nouveau record du nombre de personnes détenues avec 72 836 personnes incarcérées pour 60 698 places opérationnelles de prison et 2133 matelas au sol.

Les solutions pour permettre une déflation carcérale pérenne sont connues et réclamées par de nombreux observateurs : limiter le recours à la détention provisoire, diminuer les courtes peines de prison, développer les aménagements de peine et les alternatives à la prison ou encore transférer des détenus dans d’autres établissements moins peuplés.

En outre, la proposition de loi visant à mettre fin à la surpopulation carcérale déposée par un groupe de sénateurs le 5 septembre 2022, reprend des dispositifs qui ont depuis longtemps été recommandés, dont la mise en place d’un numerus clausus dans chaque établissement pénitentiaire et un dispositif de régulation carcérale impliquant l’administration pénitentiaire, le procureur de la République et le juge d’application des peines pour activer les aménagements de peine tels que la libération sous contrainte ou des dispositifs de réduction de peine exceptionnelle en cas de dépassement du quota fixé. Ces préconisations ont déjà été formulées dans un rapport remis au Garde des sceaux en 2014 et sont régulièrement réclamées par le CGLPL et l’ensemble des observateurs extérieurs tels que la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe ou l’Observatoire international des prisons.

Malgré tout, les réformes actuelles ne semblent pas aller en ce sens et leur efficacité est d’ailleurs questionnée dans le dernier rapport de 2021 sur la France du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Les récents plans pénitentiaires ont en effet axé la politique de déflation carcérale sur la construction de nouvelles places de prison comme en atteste le Plan d’action pour la justice présenté par le garde des sceaux le 5 janvier dernier. Ce choix est dénoncé comme constituant pour le CGLPL une « fuite en avant », une prison vide ayant toujours vocation à être remplie comme le prouve l’augmentation parallèle des chiffres de la surpopulation carcérale et de la capacité du parc pénitentiaire

Les mesures instaurées par la loi de programmation de la justice du 23 mars 2019 et qui vont entrer en vigueur en ce début d’année semblent insuffisantes. Ainsi, si la peine de détention à domicile sous surveillance électronique vise à supprimer les peines d’emprisonnement ferme inférieures à un mois, elle ne permettra pas d’impacter les peines inférieures à six mois qui sont les plus nombreuses. De même si la loi rend obligatoire les aménagements de peine pour les peines d’emprisonnement ferme inférieures ou égales à six mois, elle limite la possibilité d’aménager les peines supérieures à un an.

La même tendance semble être poursuivie par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire qui hésite une fois de plus entre vider ou remplir les prisons. Cette réforme vise à limiter le recours à la détention provisoire en favorisant le recours à l’assignation à résidence sous surveillance électronique. Elle améliore également le dispositif de la libération sous contrainte pour les peines de moins de deux ans. Mais dans le même temps, cette réforme supprime les crédits automatiques de réduction de peine qui avaient été institués en 2004.

De manière générale, il semble que les pouvoirs publics n’affrontent pas le problème de la surpopulation carcérale, en continuant à cacher ce problème sous le tapis. Dans ce cadre on peut citer les successives prorogations du moratoire sur la mise en œuvre du principe de l’encellulement individuel, encore récemment repoussé jusque fin 2027 par la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

Dans son rôle de surveillance de l’exécution de l’arrêt J.M.B. c. France, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe n’a pu que constater en décembre dernier l’échec des mesures adoptées jusque-là par les autorités françaises pour résorber la surpopulation carcérale et recommande de « mettre l’accent sur toutes les mesures alternatives à la détention et renforcer les moyens nécessaires à leur développement et leur application par les juridictions plutôt que de continuer à augmenter les places carcérales ».

6. Estimez-vous que la législation actuelle en matière de réinsertion des détenus est suffisante ?

Le principe de réinsertion a été mis en exergue depuis la loi pénitentiaire de 2009. Il s’agit cependant d’un principe polymorphe et ambigu qui s’insère dans un dispositif pénal et carcéral complexe. Il implique des obligations positives multiples à la charge de l’administration pénitentiaire à qui l’on a confié cette mission. Elle peut les mettre en œuvre grâce à des partenariats extérieurs : services de santé, éducation nationale, employeurs etc. Mais on ne peut véritablement qualifier ce principe de réinsertion de droit dont la personne détenue pourrait se prévaloir et opposer à l’administration pénitentiaire. La réinsertion est en effet encore pensée en termes d’effort et non de droit. Ainsi, l’article 721 du Code de procédure pénale prévoit qu’ « une réduction de peine peut être accordée par le juge de l’application des peines, après avis de la commission de l’application des peines, aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion ».

De plus, sur le plan pratique, la durée des peines est souvent courte, et la surpopulation carcérale ainsi que les conditions de détention, en particulier dans les maisons d’arrêt, empêchent tout projet sérieux de réinsertion. De même, la création des nouvelles prisons tend à les éloigner toujours plus de la cité, privant les personnes détenues du tissu familial, social, éducatif et économique nécessaire à leur réintégration dans la société.

7. Pensez-vous que la récente réforme du statut du détenu travailleur, qui a pour but de rapprocher ce statut du droit commun du travail, est une réforme utile ?

Depuis la loi pénitentiaire de 1987 et la suppression de l’obligation de travailler en prison, le statut du travailleur détenu a connu une certaine évolution. Mais la singularité juridique du travail carcéral qui reposait sur l’absence de contrat de travail entrainait des effets néfastes en termes de réinsertion et excluait toute application des garanties du code du travail, que ce soit en matière de rémunération, de droit à la retraite, au chômage, aux congés payés, aux congés maladie etc. Or le travail en détention est essentiel en termes de réinsertion et répond également à un besoin immédiat d’insertion en assurant à la personne détenue un revenu lui permettant de cantiner et d’atténuer les difficultés des conditions de détention.

La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 est venue en partie remédier à cette situation en offrant au travailleur détenu un statut protégé par un contrat public d’emploi pénitentiaire qui vient préciser les règles relatives à la durée du travail en détention ainsi que les modalités de formation et de cessation de la relation de travail. La réforme prévoit aussi la compétence de la médecine du travail et permet de reconnaître des droits à la formation et des droits sociaux aux travailleurs détenus comme l’affiliation à l’assurance‑vieillesse ou à l’assurance-chômage, même si ce droit ne sera ouvert qu’après la détention.

Le rapprochement avec le droit commun du travail n’est cependant pas abouti puisque les indemnités journalières de l’assurance‑maladie sont toujours exclues pendant la détention, de même que les indemnités de rupture ou la reconnaissance de congés payés. Les droits collectifs, comme le droit syndical, ne sont toujours pas consacrés. La réforme semble également complexifier la procédure d’accès au travail puisque la personne détenue doit d’abord être classée au travail, avant d’être affectée sur un poste avec la mise en place d’entretiens professionnels. Cette réforme ne semble pas tenir compte de la situation de vulnérabilité de ce public souvent éloigné de la formation et de l’emploi. Reste à voir comment elle sera appliquée concrètement sur le terrain avec un budget limité et la réticence de certains acteurs. Il faut en effet souligner que l’obligation de rémunération horaire des travailleurs détenus qui avait pourtant été instaurée par la loi de 2009 n’a jamais été pleinement appliquée. Par exemple, certains concessionnaires continuent à rémunérer les personnes détenues à la pièce en raison de la faible productivité du travail en détention.

De plus, la réforme n’a pas mis fin à la dimension disciplinaire du travail carcéral. En effet, le travail peut être suspendu ou arrêté par le chef d’établissement pour des motifs disciplinaires ou liés au maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements. Loin d’être totalement considéré comme un droit, le travail en prison est encore pensé comme une sorte d’obligation puisque selon l’article 717-3 du Code de procédure pénale, « Les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l’appréciation des efforts sérieux de réinsertion et de la bonne conduite des condamnés ». Or, l’offre de travail en détention est encore largement insuffisante.

Il est à noter cependant que l’administration pénitentiaire s’est dotée d’une ressource essentielle pour développer en quantité et en qualité l’offre de travail en prison, avec la création en 2018 de l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP).

8. Il y a-t-il un point que vous n’avez pas eu l’occasion d’aborder à travers les questions mais que vous estimez central à aborder s’agissant de l’une et/ou l’autre de ces problématiques ?

Il faut en effet évoquer une réforme récente qui constitue une étape fondamentale pour l’évolution du droit pénitentiaire, souvent qualifié de droit obscur ou d’ « infra-droit », avec l’entrée en vigueur le 1er mai 2022 du code pénitentiaire.

Rédigé à droit constant, ce code institue néanmoins un changement symbolique important en séparant la matière pénitentiaire du code de procédure pénale. Si cette séparation peut être discutée, tant la matière pénitentiaire est enchevêtrée avec la matière pénale, cette isolation met au jour les problématiques carcérales et pose la question du périmètre pénitentiaire. Ce code souligne ainsi la diversité des missions du service pénitentiaire à l’intérieur mais aussi hors des murs.

Propos recueillis par Lisa-Marie Rodriguez

L’apport de la criminologie à la réinsertion des auteurs d’infractions, selon Erwan Dieu

Erwan Dieu est criminologue et docteur en psychologie. Il dirige le Service de Criminologie « ARCA » (association Loi 1901), qu’il a fondé en 2008.

L’ARCA partage ses actions entre :

  • La prise en charge psychologique et thérapeutique des auteurs, victimes, témoins et intervenants confrontés à la violence
  • La recherche, afin de créer de nouveaux protocoles d’action et la publication scientifique
  • La formation aux protocoles d’action

1. Comment la recherche en criminologie peut-elle, selon vous, aider à la réinsertion des auteurs d’infraction ?

  • La création de modèles :

La recherche en criminologie permet de créer de nouvelles méthodes et outils d’analyse scientifiques. La criminologie contemporaine et internationale a ainsi la particularité de mettre en œuvres de nouveaux modèles de réinsertion.

En effet, jusqu’ici, la criminologie telle qu’elle existait en France, relevait davantage d’une criminologie de science criminelle, très attachée aux textes de droit, ou encore critique avec la sociologie. Elle était également très psychologique pour d’autres, avec une médicalisation presque systématique du patient. Or tout ne se résume pas à des problèmes psychologiques, puisque l’origine de l’infraction est bien souvent sociale. Par exemple, les statistiques sur les facteurs de risque de récidive montrent que les infractions ont majoritairement des caractéristiques sociales.

  • La formation des professionnels :

La formation des professionnels de la réinsertion en criminologie se développe. Le référentiel des pratiques opérationnelle (RPO) en lien avec les Règles Européennes de la Probation (REP) de 2010, fondés sur les données scientifiques, est de plus en plus appliqué.

La criminologie permet par exemple de mettre en place des échelles d’évaluation des risques de récidive, des facteurs de protection centrés sur les forces de la personne, utilisées par les professionnels accompagnant la réinsertion. Elles fournissent une donnée statistique de la probabilité de réitération de la personne en comparaison à des cohortes scientifiques préalables.

Néanmoins, la formation des professionnels en criminologie demeure insuffisante, notamment chez les professionnels du droit. La connaissance de la criminologie pourrait par exemple être pertinente pour les étudiants, les avocats, les procureurs, mais surtout les juges d’application des peines, parmi d’autres.

  • La création de supports innovants, comme le jeu de réalité virtuelle FRED :

La réalité virtuelle d’immersion a été utilisée en criminologie pour pallier les problèmes d’abstraction intellectuelle. Certains auteurs d’infraction rencontrent des difficultés à se projeter dans le futur, c’est pourquoi la réalité virtuelle permet d’accompagner leur réinsertion en élaborant plus concrètement leur vie future autour de besoins acceptables éloignés de la délinquance.

Ces modèles d’analyse sont utilisés auprès des auteurs d’infraction par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, pour accompagner leur réinsertion. L’ARCA est implantée auprès des services pénitentiaires et des préfectures. Elle intervient par exemple dans le cadre des obligations de soins, en complément du conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) en charge du mandat judiciaire.

  • Le rôle démocratique de la criminologie :

Dans une société démocratique, il paraît important de privilégier des peines mettant l’accent sur la réintégration à la société, plutôt que sur l’exclusion, puisque la commission d’infraction peut être liée à une défaillance sociale des pouvoirs publics autant que de vulnérabilités personnelles issues de mauvais traitements ou d’opportunités criminogènes.

La criminologie peut donc avoir un rôle démocratique fort. Il s’agit de mettre l’accent sur la volonté de réintégrer l’auteur d’infraction à la société, en tant que citoyen. Cela doit bien-sûr être couplé avec une politique de prévention. En effet, Les critères ACE (expériences d’adversité durant l’enfance) témoignent ainsi du fait que ces expériences ont une influence importante sur l’infraction et le risque de réitération. Le fait d’avoir été violenté, négligé, d’avoir eu un parent incarcéré, d’être témoin de violences conjugales, ou encore la présence de stupéfiants au domicile sont des facteurs augmentant le risque de soi-même devenir auteur d’infraction (3 fois plus pour les hommes et 5 fois plus pour les femmes, en comparaison à une population déjà souffrante et se rendant à l’hôpital par exemple).

2. Comment expliquer que la récidive en France soit plus importante que dans d’autres pays, notamment les pays nordiques ?

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela :

  • Les conditions de détention :

La France fait partie des mauvais élèves à l’échelle de l’Union européenne, notamment eu égard aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Or les conditions de détention et de dignité accordées à la personne sont en corrélation directe avec la prévention de la récidive.

Améliorer les conditions de détention faciliterait la réinsertion des personnes. Mais il ne s’agit que de l’un des multiples facteurs permettant de faciliter la réinsertion.

  • La conception française de la fonction de la peine et de la criminologie :

Certaines hypothèses de travail prennent en compte la conception de la peine, pour expliquer les méthodes de réinsertion mises en œuvre en France.

L’approche politique de la criminologie

L’une des particularités en France est que la donnée criminologique est une opinion populaire. Elle donne bien souvent lieu à une confrontation d’idées politiques, comme s’il n’y avait pas de données scientifiques stables. Cette tradition de politisation de la criminologie ne donne pas une vue d’ensemble et à long terme, qui permettrait de s’appuyer sur de la littérature scientifique ou sur des expérimentations. Peu de retours scientifiques sont faits sur les mesures mises en œuvre en France, pour évaluer leur véritable efficacité. Par exemple, il n’y a eu aucun retour réellement scientifique et stable sur l’efficacité des peines plancher.

La Conférence du consensus sur la récidive de 2013, qui a débouché sur les projets d’individualisation de la peine en 2004, est ainsi souvent attribuée à un projet socialiste. Il s’agit pourtant de la simple application de règles européennes de 2010.

Isoler la question pénitentiaire de considérations politiques, en s’appuyant davantage sur les données scientifiques pourrait amener à davantage d’avancées en termes de réinsertion.

L’on pourrait aussi envisager de rapprocher les scientifiques et leurs expérimentations de terrain, des décideurs politiques.

La conception de la peine comme instrument de prévention des risques

De même qu’en Amérique du Nord, la France a aujourd’hui plutôt une logique punitive que de réinsertion. L’une des théories permettant d’expliquer cette logique est fondée sur la prévention des risques.

Selon certaines théories, depuis les années 1970 et les crises financières , il y aurait en effet une logique de prévention des risques d’infraction qui se développe partout dans le monde. Il s’agirait d’une course au risque permanente. Cela conduit à mettre en œuvre un nombre important de mesures afin d’éviter au maximum le risque, plutôt que de miser sur le développement de la confiance envers les personnes réinsérées.

L’absence de consensus des projets de politique pénale :

Une autre théorie consiste à envisager deux projets de politique pénale qui se confrontent.

Le premier est fondé sur la rétribution. Ce projet moral est entièrement tourné vers le passé. Il s’agirait de considérer que les auteurs d’infraction doivent payer pour ce qu’ils ont fait.

Le second est fondé sur la prévention de la récidive et de la réinsertion. Ce projet est davantage tourné vers l’avenir. Il s’agit de partir du principe que peu importe ce qu’a fait la personne, on va chercher à garantir la réinsertion, la dignité humaine et les projets de vie. Ce projet vise ainsi à aider la personne à redevenir un citoyen.

Les différences de conception de l’infraction, résultant de ces deux projets de politique pénale, influencent donc l’approche de l’incarcération, et de la réinsertion.

La conception de la fonction de la peine est donc en lien avec la place que l’on va donner à la réinsertion de l’auteur d’infraction.

3. La peine a-t-elle une influence en termes de dissuasion à récidiver ?

Les données scientifiques ne montrent pas de lien de corrélation entre la sévérité de la peine et la dissuasion de récidiver. Par exemple, la France n’a jamais eu aussi peu d’homicides que depuis la suppression de la peine de mort. Il y a des méta-analyses très intéressantes qui comparent les types de peine (suivant leur sévérité) et la diminution de la récidive. Ce n’est jamais concluant.

Au contraire, plus on augmente les stratégies punitives et dissuasives, plus on a des risques de récidives.

Il n’est pas utile de systématiser la prison pour dissuader de récidiver. La prison peut elle-même être un facteur criminogène et pathogène.

Il n’a, par exemple, jamais été démontré scientifiquement que les prisons ont un intérêt pour la société civile, par rapport au fait d’être en milieu ouvert.

Propos recueillis par Marie-Amélie Contré

“À travers les murs” : l’éloquence pour favoriser la réinsertion des détenus.

L’organisation d’activités pour les détenus au sein des prisons a fait l’objet de nombreux débats dernièrement, notamment s’agissant de détenus ayant été condamnés pour des faits considérés comme « particulièrement graves ». Cependant, comme l’a rappelé Dominique Simonnot (actuelle contrôleuse générale des lieux de privation de liberté), « les activités socio-culturelles et sportives sont loin d’être une exception en prison, et se caractérisent même par leur grande diversité. La loi pénitentiaire de 2009 les a d’ailleurs rendues obligatoires. » Elle ajoute que « TOUTE personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée […] dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité ». Le code de procédure pénale rappelle bien qu’il peut s’agir d’activités « d’enseignement, de formation, de travail et socioculturelles et sportives ou de détente ».

L’instauration de ce type d’activités est d’autant plus importante dans ce contexte où la surpopulation carcérale a atteint un niveau réellement inquiétant en France, engendrant des conditions de détention déplorables et une difficulté à mettre en place les mesures adéquates afin de favoriser la réinsertion des détenus.

À travers les murs est une association d’initiative étudiante créée par Ilan Volson Derabours dans ce but de favorisation de la réinsertion de détenus en passant par la mise en place d’activités au sein des centres de détention, et notamment ici en passant par l’organisation de concours d’éloquence. Nous l’avons interrogé sur son association, l’intérêt de l’éloquence, mais également sur les polémiques qui existent autour de l’organisation d’activités en centre de détention pour tous les types de détenus, sans distinction. Dans ce cadre il soulignera que l’éloquence permet une reprise de confiance, indispensable à une bonne réinsertion mais aussi que selon lui « écarter des détenus en fonction de ce pourquoi ils ont été condamnés reviendrait à leur infliger une double peine.»

1. Une présentation de votre parcours 

Je suis actuellement étudiant en Master 2 de Droit pénal international et des affaires (à Paris 1). J’ai obtenu une Licence et un diplôme du Collège de Droit de la Sorbonne dans la même université. 

En 2019, j’ai été lauréat national du concours de plaidoiries Lysias et, en 2020, j’ai fondé l’association « À Travers les Murs » avec trois amis.

2. En quoi consiste exactement votre association « À Travers les Murs » ?

L’association “À Travers les Murs” s’attache à dispenser des formations à la prise de parole et à l’éloquence en milieu carcéral.

Les formations sont assurées par des étudiants bénévoles, rompus à l’enseignement des arts oratoires (vainqueurs ou organisateurs de concours d’éloquence, chargés d’enseignement etc.). Elles s’inscrivent concrètement dans une dynamique de réinsertion par la voie d’un aspect pratique particulièrement développé (simulation d’entretien d’embauche, débat contradictoire, posture judiciaire, improvisation, éloge etc.). 

3. Comment vous est venue l’idée de créer une telle association ?

Après nos expériences personnelles au sein de concours et d’évènements d’éloquence, nous avons été amenés vers la formation, notamment dans le cadre universitaire. 

Si cela nous a paru initialement intéressant et enrichissant, on a rapidement pensé que nous pouvions mettre nos connaissances au profit d’un autre public, dont la voix était moins audible ou considérée, et qui ne bénéficiait pas déjà de bases solides au niveau social (et rhétorique). 

4. L’opportunité de participer à ce projet est-elle ouverte à tout type de détenus ? Peu importe le délit ou crime qu’ils ont commis ? Pourquoi avoir fait ce choix ? (on a pu voir notamment des initiatives comme la web série « Kohlantess » qui avait beaucoup fait parler car elle avait  permis à des personnes détenues pour des délits/crimes parfois très grave de participer)

La possibilité de participer à ce projet est naturellement ouverte à tous les détenus. Nous n’opérons aucune sélection au nom de l’infraction commise. 

Les inscriptions se font au volontariat avec une limite assez restrictive de places disponibles. Généralement, c’est l’administration pénitentiaire qui nous suggère des profils parmi les volontaires car nous avons peu d’éléments d’appréciation pour faire ce choix nous même. L’idée est d’avoir un groupe qui fonctionne bien, avec quelques éléments moteurs qui tirent les autres vers le haut.

Plus encore, nous choisissons de ne jamais demander aux participants pourquoi ils sont incarcérés, afin que notre comportement ne soit en rien conditionné par des considérations morales.

Écarter des détenus en fonction de ce pourquoi ils ont été condamnés reviendrait à leur infliger une double peine.

Quoiqu’il en soit, l’idéal pour nous est tout de même d’intervenir auprès de détenus en fin de peine, afin que notre soutien aux dynamiques de réinsertion reste le plus pertinent possible. 

6. En quoi est-il selon vous fondamental de mettre en place des actions pour améliorer la réinsertion des prisonniers ? Quelles améliorations avez-vous pu observer chez les détenus ?

D’une manière générale, c’est fondamental pour prévenir la récidive. Aujourd’hui, toutes les études sur le sujet en témoignent, les prisons françaises ne luttent pas efficacement contre la réitération infractionnelle. On ne peut pas prétendre exclure des gens de tout contact social pendant plusieurs années et s’attendre à ce qu’ils ressortent en étant des citoyens nouveaux. 

Plus spécifiquement, concernant les activités menées par « À Travers les Murs », l’éloquence est un formidable conducteur du lien social. Sans directement penser à la réinsertion, elle est déjà vectrice d’une pacification du quotidien carcéral : savoir se dire les choses, savoir prendre sur soi, prendre du recul, formuler un argumentaire, débattre etc. C’est le retour que nous font non seulement les détenus auprès desquels on intervient, mais aussi l’administration pénitentiaire avec laquelle on travaille. 

Ensuite, avoir les clés du langage permet d’exprimer des sentiments, des émotions, des contrariétés autrement que par la violence. Cela ouvre une alternative à laquelle tout le monde n’a pas la chance d’accéder.

Enfin, les cours dispensés par l’association ont pour effet de donner à nouveau confiance aux participants, une confiance parfois brisée parce que beaucoup réalisent avoir eu un comportement dommageable, nombreux sont ceux qui s’auto-stigmatisent (consciemment ou non) et peinent à avoir confiance en eux. 

L’éloquence permet aussi cette reprise de confiance qui constitue un préalable indispensable à une bonne réinsertion. 

7. Estimez-vous que la législation actuelle/les actions mises en place en matière de réinsertion des détenus soient suffisantes ?

Au niveau législatif je ne pense pas. C’est un sujet épineux, qui passionne l’opinion publique, avec parfois un penchant voyeuriste et souvent un cruel manque de connaissance du monde carcéral. 

Par contre, et je peux en témoigner avec « À Travers les Murs », il existe des personnes formidables, qui dirigent des établissements pénitentiaires ou coordonnent les services culturels de l’administration pénitentiaire et qui croient et appuient des initiatives comme la nôtre. 

À Nanterre, la Directrice du Centre Pénitentiaire nous accorde une confiance rare. Elle ne cherche pas à savoir ce qui est dit dans nos séances ni à contrôler ce que nous enseignons. Elle nous offre 3 heures par semaine de temps extra-carcéral où on peut concrètement travailler avec les détenus en dehors de tout a priori et dans une relation pédagogique assez horizontale. De plus, on ressent une véritable volonté collective de faire du lien entre les différentes associations intervenant en prison (La Croix Rouge, des associations d’écriture, de théâtre d’improvisation, Pôle Emploi etc.). Je pense que cette coordination de nos actions est le levier le plus prometteur.

8. Quels sont les retours que vous avez pu avoir face à votre initiative (de la part des détenus notamment mais également des professionnels de l’administration pénitentiaire ou autres) ?

Le début du projet a été un peu complexe : des étudiants en droit qui veulent entrer en prison pour donner des cours d’éloquence, ça fait présomptueux. 

On a eu de réelles difficultés à trouver un établissement où débuter nos cours. Il se trouve que Nanterre nous a fait confiance et les retours des détenus sont exceptionnels. Une vraie relation se crée au fil des séances, non seulement de travail mais aussi simplement humaine.

Maintenant, au vu de notre expérience depuis plus de deux ans, on a de réels gages de qualité à faire valoir si bien qu’on échange avec de nouveaux établissements pour élargir nos interventions. Cependant, bien que l’envie de travailler ensemble soit mutuellement présente, il est nécessaire de mentionner que les différentes démarches et procédures prennent du temps.  Ainsi, la principale difficulté que l’on rencontre aujourd’hui est la lourdeur procédurale à laquelle est soumise l’administration pénitentiaire qui complique et retarde beaucoup les choses.

Propos recueillis par Lisa-Marie Rodriguez

Chef d’établissement du centre de détention de Châteaudun, Maxime Michel évoque les défis du milieu carcéral.

Par un arrêt du 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme avait condamné la France pour les conditions inhumaines et dégradantes de ses établissements pénitentiaires ainsi que le non-respect du droit à un recours effectif pour faire cesser ces atteintes. Cette condamnation de la France reflète les problèmes qu’il existe en France au niveau du milieu carcéral, liés notamment à la surpopulation carcérale qui engendre un grand nombre de problématiques. Des solutions effectives et efficaces sont recherchées mais peinent encore à être trouvées et mises en place.

En tant que chef d’établissement d’un centre de détention, Maxime Michel nous parle ici des défis du milieu carcéral et des problématiques liées à surpopulation carcérale et la réinsertion des détenus. Ces deux problématiques sont indéniablement liées dans la mesure où, comme il le rappellera dans son témoignage, il est évident que « la surpopulation carcérale ne permet pas aux personnes détenues une prise en charge efficace ».

1.     Une présentation de votre parcours et de votre métier

Je suis Maxime MICHEL. J’ai débuté ma carrière en 2003 en qualité de surveillant pénitentiaire. J’ai intégré l’administration pénitentiaire par hasard en voyant une publicité et parce que je voulais être fonctionnaire pour la sécurité de l’emploi.

J’ai exercé en premier lieu à la maison d’arrêt d’Aix-Luynes où j’ai découvert le métier de surveillant et les missions et contraintes de l’administration pénitentiaire. J’ai muté en 2009 pour la maison centrale d’Arles où je me suis adapté à la prise en charge de publics condamnées à de longues peines.

En 2013, j’ai obtenu le concours de premier surveillant car j’avais une envie d’évolution hiérarchique. Affecté au centre pénitentiaire d’Aix-Luynes, j’ai ainsi pu découvrir le management et m’y épanouir.

Toujours avide de prise de responsabilités, en 2014, j’ai obtenu le concours de lieutenant pénitentiaire. J’ai été affecté au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier en qualité de responsable des activités/travail/formation professionnelle à destination des personnes détenues. J’ai découvert la nécessité de mettre en place des actions de réinsertion à destination du public accueilli, aux fins de préparation à la sortie et avec l’objectif essentiel de prévention de la récidive.

Avec toujours une envie de prise de responsabilités, j’ai obtenu le concours de Directeur des Services Pénitentiaires en 2017. J’ai été affecté en qualité d’adjoint au chef d’établissement au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand.

En 2022, j’ai été nommé Chef d’établissement du centre de détention de Châteaudun. Mes tâches sont complexes, diverses et variées. Il s’agit dans un premier temps de manager les personnels placés sous mon autorité, ce qui représente une partie importante. Ensuite, je m’impose un devoir de représentation auprès des partenaires et institutions. Enfin, il s’agit de prendre en charge les personnes détenues qui nous sont confiées par l’autorité judiciaire. Nous tâchons de faire en sorte que les conditions de détention soient le plus humaines possibles en lien avec les impératifs sécuritaires.

2.     Quelles sont les difficultés que vous rencontrez le plus dans le cadre de votre métier ?

Les difficultés auxquelles je dois faire face dans mon quotidien ne sont pas forcément en relation avec le taux d’incarcération car j’exerce en centre de détention. Les difficultés sont surtout liées à la prise en charge de publics sur de courtes périodes qui ne permet pas de mettre en œuvre des projets avec les personnes détenues. Une autre difficulté est l’impossibilité de fournir des activités à l’ensemble des personnes détenues (activités sportives, travail, enseignement, formation professionnelle).

Une autre difficulté est le manque de personnel qui impacte la prise en charge des personnes détenues.

3.     Quelles sont selon vous les causes majeures de la surpopulation carcérale ? Quels sont les principaux problèmes liés à cette surpopulation ?

La cause principale de la surpopulation carcérale est selon moi la difficulté à trouver les moyens adéquats pour réguler cette question. Cependant, on sait qu’il n’est pas impossible de trouver des solutions. Nous avions pu voir lors de la première vague du COVID que des issues avaient pu être trouvé et pour la première fois, le taux d’occupation s’était retrouvé à 100%, en procédant à des libérations pour des personnes détenues avec un profil compatible.

Le fait de ne pas automatiser certaines libérations laisse la responsabilité aux juridictions qui ne se saisissent pas forcément des modalités offertes. Par ailleurs, la complexité et les couches réglementaires successives ne favorisent pas la facilité pour mettre en œuvre une politique efficace des aménagements de peine.

4.     Quelles sont les solutions que l’on pourrait trouver pour remédier à ce problème ?

Les solutions devraient être d’ordre juridique, avec une simplification de la règlementation relative à l’application des peines. Une autre solution portée par certains professionnels pourrait être la mise en place d’un numérus clausus dans les établissements pénitentiaires.

Une réflexion devrait être également menée sur les taux d’incarcération localement et non au niveau national (par exemple le département du Gard n’est pas suffisamment doté de places en détention).

5.     Que pouvez-vous nous dire sur l’état actuel des centres de détention et les conditions de détention ?

En ce qui concerne les établissements pénitentiaires, les situations sont disparates. En effet, les établissements pour peine ont une situation plus confortable avec numérus clausus et donc une absence de surpopulation et ce sont en règle générale des établissements plus récents.

En ce qui concerne les maisons d’arrêt, la situation apparaît pour certains établissements comme catastrophique avec des taux de surpopulation de plus de 200%. En outre, ce sont les plus vieux établissements qui deviennent vétustes et qui ne permettent pas de prendre en charge les personnes détenues dans des conditions de dignité satisfaisantes.

6.     Les personnes détenues rencontrent souvent des difficultés lors de la réinsertion : quelles sont selon vous les principales causes de ces difficultés ?

La surpopulation carcérale ne permet pas aux personnes détenues une prise en charge efficace. Par ailleurs, les personnes suivies à l’extérieur par le Service pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) ne peuvent pas bénéficier d’un suivi accentué lorsque les conseillers pénitentiaires de probation et d’insertion (CPIP) ont plus de 100 dossiers à gérer.

7.     Quelles actions estimez-vous qu’il serait utile de mettre en place afin de favoriser une meilleure réinsertion des détenus ? Quelles actions qui existent déjà sont selon vous les plus utiles ? Estimez-vous disposer d’assez de moyens financiers pour mettre en place ces actions ?

Une action nécessaire serait l’augmentation du nombre de CPIP. Ensuite, il serait essentiel de développer les partenariats nationaux de prise en charge des personnes détenues dans le cadre d’aménagements de peines, comme par exemple les chantiers d’insertion. Il serait aussi important d’agir face au manque de places dans les quartiers de semi-liberté et à l’emplacement non adapté de ces structures.

Il conviendrait également d’accentuer les activités présentes au sein des établissements (le travail, l’école, la formation professionnelle), afin d’offrir des qualifications aux personnes détenues. Il s’agit de moyens humains et de partenariats à mettre en œuvre.

8. Il y a-t-il un point que vous n’avez pas eu l’occasion d’aborder à travers les questions mais que vous estimez central à aborder s’agissant de l’une et/ou l’autre de ces problématiques ?

Une des difficultés de l’administration pénitentiaire est la méconnaissance de la société sur ses missions, sur la réalité de la prise en charge des personnes détenues avec une vision très américanisée et en complet décalage avec les réalités françaises.

Propos recueillis par Lisa-Marie Rodriguez