Le traitement judiciaire des violences conjugales par Bérénice Tettini

Les violences conjugales sont des problèmes majeurs de notre société qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

1. Une présentation de votre parcours et de votre métier

Je suis issue d’une formation juridique, Master 2 en droit privé et D.U. de criminologie. J’ai découvert le métier de conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) sur le tard, après mes études lorsque je travaillais en tant que juriste pour une association d’aide aux victimes de violences intrafamiliales.

Suite à l’obtention du concours et à la formation de deux ans (en alternance) à l’Ecole Nationale de l’Administration Pénitentiaire, je suis désormais en poste en milieu ouvert. Il m’est également possible de travailler en milieu fermé (en détention).

La mission principale d’un CPIP est de lutter contre la récidive. Pour cela, nous devons d’une part contrôler le respect des obligations judiciaires et veiller à la bonne exécution des mesures judiciaires. D’autre part, nous devons susciter l’adhésion de la personne placée sous main de justice afin de travailler le passage à l’acte, la réinsertion et le changement. Enfin, le CPIP est en lien avec les magistrats, son avis est requis à différentes étapes de la prise de décision (avant, pendant et après la condamnation).

Il s’agit d’un métier qui est en constante évolution, en corrélation avec la politique pénale et l’avancée de la recherche en criminologie notamment.

2. Pourriez-vous définir les violences conjugales ? et comment se matérialisent-t-elles ?

La violence peut recouper plusieurs réalités et différents degrés : la violence physique, psychologique, sexuelle ou même administrative (lorsque le conjoint confisque les documents d’identité ou les moyens de paiement par exemple).

Au sein du couple, les violences peuvent intervenir lorsque l’un des conjoints tente d’asseoir une emprise sur l’autre. Elles peuvent aussi venir matérialiser des difficultés de communication et de gestion des conflits dans la relation par exemple ou traduire des difficultés à gérer ses émotions. Les violences peuvent être également favorisées par une consommation d’alcool ou de stupéfiants.

3. Comment se défendre contre les violences conjugales ?

Comme souvent, la communication et la prévention peuvent à mon sens lutter efficacement contre les violences conjugales. Etre sensibilisé à cette question peut amener à une prise de conscience sur l’éventuelle problématique de violence au sein de son couple mais également libérer la parole pour pouvoir saisir la justice plus facilement.

En tant que CPIP, il est important d’analyser les violences et la relation de couple afin de proposer un accompagnement adapté.

4. Quel(s) texte(s) permet(ttent) de lutter contre les violences conjugales ?

Diverses dispositions existent dans le code pénal et dans le code civil afin de lutter contre les violences conjugales. Les textes viennent sanctionner les violences en elles-mêmes, mais également permettre l’éloignement du conjoint violent, la mise en place d’une ordonnance de protection, le placement sous bracelet anti-rapprochement ou encore la dotation d’un téléphone grand danger à la victime. En fonction des circonstances, il est également possible de prononcer des interdictions de contact ou de paraître au domicile, de déchoir l’auteur des violences de ses droits parentaux ou encore de prononcer une obligation de participer à un stage de sensibilisation pour la prévention et la lutte contre les violences sexistes et au sein du couple.

5. Les dispositifs existants sont-ils suffisamment efficaces pour lutter contre les violences conjugales ou, selon vous, de nouvelles mesures devraient être prises ? Le cas échéant, quelles sont-elles ?

Les dispositifs existants sont efficaces mais perfectibles. Les différentes dispositions et notamment le bracelet anti-rapprochement sont des mesures relativement récentes qui doivent être confrontées aux réalités du terrain afin d’être encore plus performantes. A titre d’illustration, la gestion des bracelets anti-rapprochement est déléguée à une société privée mais la gestion pourrait être confiée à l’administration pénitentiaire comme pour les autres dispositifs de surveillance. Cela permettrait entre autres de ne pas multiplier les intervenants sur une mesure.

La réflexion autour de nouvelles mesures est toujours pertinente, avoir un panel de possibilités permettra une prise en charge individualisée et adaptée à chaque situation. A ce titre, au niveau des services pénitentiaires d’insertion et de probation, la justice restaurative serait à mon sens un champ à investiguer. Un renfort de personnel pourrait également permettre des prises en charge plus soutenues et le développement d’actions collectives en lien avec la lutte contre la récidive. Les thérapies conjugales pourraient également être favorisées et développées dans le cadre des mesures judiciaires.

6. L’accompagnement des victimes de violences conjugales est-il suffisant ?

L’accompagnement des victimes de violences conjugales est délégué à la sphère associative mais l’accompagnement des auteurs est pris en charge par des fonctionnaires d’État. Dans ces conditions, il convient de s’assurer que les victimes soient tout autant reconnues et que les professionnels fonctionnaires ou associatifs puissent collaborer. Favoriser l’accompagnement physique des victimes, à l’audience notamment, améliorer les informations sur les différentes étapes de la procédure et faciliter l’accès à un suivi psychologique pourraient améliorer l’accompagnement des victimes. Il s’agirait là encore de renforcer les moyens humains notamment.

Bérénice Tettini

Publié par Juristes D'avenir

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